Keï Khosrou

Keï Khosrou répond à Afrasiab

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Khosrou écouta les paroles de Karen, il se rappela ce qui s’était passé autrefois et se mit à rire de la tentative de son grand-père et de la manière dont il cherchait à ruser et ale duper.

Ensuite, il dit :

Almsiab se repent d’avoir passé le fleuve.

Ses yeux débordent de larmes et ses lèvres sont pleines de paroles ; mais mon cœur est gros d’anciennes douleurs.

Il essaye maintenant de me faire trembler, de m’effrayer par la supériorité de son armée ; mais il ne sait pas que le ciel tout-puissant tourne, au jour du malheur, sans obéir à l’ordre de personne.

Maintenant, ce qui me reste à faire, c’est de m’avancer contre lui, le cœur rempli de haine.

Je me mesurerai avec lui dans le combat, je ne chercherai pas de délai au moment de la luttes. »

Tous les sages et tous les grands de l’armée dirent d’une seule voix :

Ce dessein n’est pas raisonnable.

Afrasiab, qui est un homme d’expérience et de sagesse, ne rêve que des expédients ; il ne connaît que la fraude et les arts magiques, que la tromperie, la haine et la méchanceté.

Il a maintenant choisi dans son armée Schideh, parce qu’il a vu en lui une clef pour ouvrir la porte du malheur et il provoque au combat le roi de l’Iran, pour remplir nos jours de douleur.

Ne méprise pas sa vieillesse, ne mets pas en danger l’Iran et ton trône.

Si c’est Schideh qui combat le roi, il nous fera pâlir d’inquiétude ; car si Schideh tombe de ta main, ce n’est qu’un grand de moins dans cette armée : mais si tu t’éloignes de nous et si tu es tué, tout l’Iran périra ; aucun de nous ne restera en vie ; aucune ville, aucune province de l’Iran ne seront sauvées ; car nous n’avons personne de la race des Keïanides qui puisse s’armer pour te venger.

Ton grand-père est un vieillard plein d’expérience, il est aimé dans le Touran et en Chine ; il demande pardon du mal qu’il a fait et ne veut combattre que quand il ne lui restera plus d’autre ressource ; il offre de tirer de ses trésors et de te remettre les richesses, les chevaux, l’argent que Tour a amassé pour Zadschem et les trônes d’or, les couronnes, les ceintures d’or et les lourdes massues des grands, pour racheter les crimes qui lui pèsent ; il offre de faire quitter aux Turcs toutes les villes que tu réclames pour l’Iran.

Rentrons donc dans l’Iran victorieux et contents et oublions ce qui s’est passé autrefois. »

C’est ainsi qu’ils parlèrent tous, vieux et jeunes, excepté Rustem, l’illustre Pehlewan, qui détournait la tête de la paix et dont le cœur désirait venger Siawusch.

Le roi se mordit les lèvres et jeta un regard sombre sur les grands ; ensuite il dit :

Nous ne devons pas quitter ce champ de bataille pour rentrer dans l’Iran.

Où sont donc les combats que nous devions livrer, les serments que nous avons faits, les caisses d’or et les prisonniers que nous voulions prendre, les chaînes que nous avons préparées ?

Comment nous excuserions-nous devant Kaous, comment oserions-nous paraître devant lui, si Afrasiab reste en vie et sur son trône comme maître du monde pendant que l’Iran est dévasté ?

Sais-tu quel crime a commis Tour contre Iredj le fortuné, pour lui ravir sa couronne et son trône et ce qu’Afrasiab a fait souffrir à Newder ?

Puisse-t-il n’être jamais heureux, même en songe !

Ensuite Afrasiab a tué l’innocent Siawusch, pour s’emparer de ses trésors, de son trône et de son diadème.

Maintenant un Turc rusé de cette cour se présente devant nous et demande à me combattre ; pourquoi pâlissez-vous ?

Cela m’étonne de votre part et mon ancien désir de vengeance s’en accroît encore.

Jamais je n’aurais cru que les Iraniens reculeraient devant cette guerre.

Je ne vois dans l’armée de l’Iran que Rustem, mon ami, le héros au cœur droit, qui se hâte d’accepter le combat lorsque Afrasiab le fourbe nous l’offre. »

’ Quand les Iraniens entendirent ces paroles du roi, ils se repentirent de leur faute ; ils tâchèrent de s’excuser, en disant :

Nous sommes tes esclaves, nous n’avons parlé que par tendresse pour toi.

Le roi des rois ne cherche qu’une bonne renommée et une heureuse fin à cette entreprise ; mais le glorieux maître du monde, dont la volonté est suprême, ne voudra pas qu’on nous blâme, que l’on dise qu’il n’y avait parmi les Iraniens personne qui eût osé combattre Schideh, qu’aucun cavalier ne s’est présenté sur le champ du combat et que le roi seul avait le courage de le faire.

Le roi des Mobeds ne voudra pas nous couvrir d’une honte éternelle. »

Le roi leur répondit :

Ô Mobeds !

Vous qui êtes mes guides, sachez que ce Schideh, au jour de la bataille, ne compte pas son père pour un homme digne de combattre.

Afrasiab lui a forgé une armure avec un art magique, impie, étrange et méchant ; et vos armes ne vous serviront pas contre cette cuirasse et ce casque d’acier.

Son cheval est d’une race de Divs, il a un cœur de lion, il court comme le vent.

Il n’y a que ceux à qui Dieu a donné la dignité royale qui puissent résister à Schideh et lui échapper dans le combat.

D’ailleurs il ne daignera pas se mesurer avec vous ; il croirait déshonorer sa dignité et sa naissance.

Mais le petit-fils de Feridoun et le fils de Kobad sont deux combattants égaux en courage et en rang.

En tuant Schideh, je brûlerai le cœur criminel de son père comme il a brûlé le cœur de Kaous par le meurtre de son fils. »

Les braves et les lions du pays d’Iran accueillirent avec des acclamations ces paroles du roi.

Le roi ordonna à Karen, son dévoué serviteur, de partir et de porter à Schideh cette réponse :

La lutte entre nous est ancienne et terrible et ce qui a été fait a dépassé toute mesure.

Un homme considérable, qui a acquis du renom dans la guerre, ne cherche pas des délais au moment du combat.

Maintenant nous verrons à qui le maître du soleil et de la lune sera favorable sur ce champ de bataille.

Je ne demande pas le pays de Touran ni les trésors, car cette demeure passagère ne reste à personne ; mais je jure par la puissance de Dieu qui a créé le monde, par le diadème de Kaous qui m’a élevé, que je ne vous laisserai pas le temps de voir l’âpre vent de l’automne passer sur les roses.

Ensuite tu parles de richesses, de chevaux, d’or accumulé : nous n’avons point besoin de ces trésors qui proviennent de l’oppression et de l’injustice ; car quiconque est soutenu de Dieu sera toujours heureux et la fortune lui sourira toujours.

Ton pays, tes trésors, ton armée sont à moi, à moi ton trône et ton diadème d’or.

Pescheng est venu couvert d’une cuirasse, avec une escorte et beaucoup de pompe et m’a provoqué au combat ; demain, à l’aube du jour, il sera mon convive, il me verra abattre des têtes avec mon épée.

Je ne veux pas qu’aucun homme de l’armée d’Iran se présente devant lui au champ de bataille, il suffit de moi et de Schideh, du désert et de mon épée tranchante et j’amènerai à la fin la destruction sur sa tête.

Et si je suis vainqueur dans ce combat, je n’accepterai pas les délais que tu proposes ; des deux côtés nous ferons pousser des cris par nos champions et la plaine sera teinte du sang que nous verserons.

Ensuite nous conduirons au combat nos héros en troupes serrées, semblables à des montagnes. »

Le roi ajouta :

Tu diras ensuite à Schideh : Ô prince avide de gloire, mais dépourvu de sans, tu es venu tout seul du Touran te jeter dans des filets et non pas pour y chercher le renom et la gloire, ni à cause du message d’Afrasiab, mais parce que les mauvaises actions sont impatientes de te détruire.

C’est Dieu qui t’a poussé hors de cette armée et ton linceul le servira ici de tombeau ; ce prince innocent, qu’on a égorgé comme un agneau, te portera malheur et ton père versera sur toi des larmes amères comme Kaous en verse sur son fils. »

Karen quitta le roi en toute hâte et se rendit auprès de Pescheng au drapeau noir, à qui il répéta toutes les paroles qu’on lui avait dites, ne cachant ni le bon ni le mauvais.

Schideh s’en retourna auprès d’Afrasiab ; son cœur cuisait comme la chair placée sur le l’en.

Le roi des Turcs fut consterné de cette réponse, et, dans sa douleur, il poussa un grand soupir, car anciennement il avait fait un rêve dont il n’avait jamais parlé à personne ; sa tête tourna, son cœur trembla, il sentit approcher sa chute et s’écria :

Demain tant de morts couvriront le champ de bataille que les fourmis ne pourront plus le traverser. »

Ensuite, il dit à Schideh :

À partir de demain laisse passer deux jours sans parler de combat.

On dirait que mon âme est brisée par l’idée de cette bataille et je suis si malheureux que je voudrais m’arracher le cœur. »

Son fils répondit :

Ô roi des Turcs et de la Chine !

Ne te décourage pas ainsi au jour de la vengeance.

Lorsque le soleil élèvera son étendard brillant et éclairera la voûte sombre du ciel, moi et Khosrou nous serons sur le champ de baille et je réduirai ce roi en poussière. n

Dernière mise à jour : 26 sept. 2021