Keï Khosrou

Keï Khosrou distribue des trésors aux Pehlewans

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Les troupeaux de chevaux du roi ayant été amenés de leurs prairies par les pâtres et conduits au camp, Khosrou dit :

Quiconque sait jeter un lacet, quiconque montre un corps d’airain dans la bataille, qu’il lance son lacet parmi ces chevaux sauvages, qu’il prenne dans le nœud la tête de ces destriers aux pieds de vent.

Ensuite le victorieux maître du monde s’assit sur le trône d’or, couvert de sa couronne ; il ouvrit ses trésors et dit :

Il ne convient pas aux grands d’enfermer leurs richesses ; et dans un temps de guerres, de vengeances et de batailles, il faut prodiguer l’or et les trésors.

Je vais donner aux héros tous mes trésors et tous mes trônes, je vais élever jusqu’au soleil les branches de l’arbre impérial.

Pourquoi faudrait-il consumer sa vie à amasser de l’or, pendant que les braves en ont besoin ?

Il fit apporter cent robes de brocart de Roum brodé de pierreries et d’or pur, autant de pièces d’étoffe de poil de castor et de drap d’or et une coupe remplie de joyaux dignes d’un roi.

On plaça tout cela devant le noble Khosrou et le roi du monde dit à ses guerriers :

Voici le prix que j’offre pour la vile tête de Palaschan le méchant, le dragon courageux, qu’Afrasiab a nommé Pehlewan de son armée et sur la vigilance duquel il se repose.

Qui est-ce qui, au jour de la bataille, rentrera dans notre camp à toute bride, chargé de la tête et de l’épée de Palaschan et nous amenant son cheval ?

Bijen fils de Guiv se leva sur-le-champ et déclara qu’il était prêt à tuer ce dragon ; il saisit les étoffes et la coupe d’or remplie de pierreries, appela les grâces de Dieu sur le roi en disant :

Puissent tes vœux être toujours exaucés !

Et s’en retourna à sa place, la coupe d’or remplie de pierreries dans la main.

Le roi ordonna ensuite au trésorier d’apporter deux cents robes brodées d’or, des étoffes de poil de castor, des brocarts et cent robes de soie et d’amener deux esclaves aux joues de rose, parées de ceintures magnifiques.

Il dit :

Si quelqu’un veut entreprendre d’apporter devant moi, ou devant cette noble assemblée, la couronne qu’Afrasiab a posée sur la tête de Tejaou en prenant pour gendre cet homme illustre, je lui donnerai ces présents et le comblerai d’autres faveurs.

Bijen fils de Guiv, dont la main était puissante dans le combat, se leva de nouveau, prit, à l’étonnement de toute l’assemblée, les esclaves et les présents, rendit grâces au roi et se rassit en disant :

Puisse Keï Khosrou faire fleurir le monde !

Khosrou ordonna au Mobed d’amener dix esclaves portant de belles ceintures, dix chevaux dignes d’un Sipehbed, ornés de brides d’or et dix femmes voilées et parées ; ensuite le prudent roi du peuple dit :

Ces chevaux et toutes ces belles femmes sont à celui qui agira selon mes ordres, lorsque Tejaou sera mis en en fuite, car ce cœur de lion ne vous résistera probablement pas.

Tejaou se fait accompagner dans les combats par une esclave, dont la voix apprivoiserait un léopard, dont la joue est fraîche comme le printemps et la stature élancée comme le cyprès, dont la taille ressemble au roseau et la marche aux mouvements du faisan ;

c’est une femme au visage de lune, dont le nom est Ispenoui ;

elle est belle comme une Péri, elle ravit le cœur et répand un parfum de musc, son sein est blanc comme le lis et son nom même exhale un parfum de lis.

Or le cavalier qui s’en emparera ne doit pas la frapper de l’épée quand il l’aura atteinte, car un pareil visage n’est pas fait pour un coup d’épée ;

il faut qu’il l’entoure du nœud de son lacet comme d’une ceinture, qu’il l’enlève ainsi de cheval et l’attire sur son sein.

Bijen mit encore une fois sa main sur son cœur, s’approcha du roi de la terre toujours victorieux, lui rendit grâces et pria pour lui le Créateur du monde.

Le puissant roi le regarda avec plaisir et lui dit :

Ô illustre guerrier !

Puisse mon ennemi n’avoir pas pour ami un Pehlewan comme toi !

Puisse ton âme brillante ne jamais quitter ton corps !

Puis le roi ordonna au trésorier d’apporter des chambres secrètes du trésors deux coupes d’or qu’on remplit de pastilles parfumées : on apporta aussi deux coupes d’argent pleines de pierreries, une coupe de topaze pleine de musc, une de turquoise et une de lapis-lazuli, dans lesquelles on versa des grenats et des émeraudes trempés dans du musc et de l’eau de rose.

Ensuite on amena dix esclaves parés de ceintures et dix nobles chevaux à la bride d’or et le roi dit :

Tout cela est à celui qui se battra vaillamment contre Tejaou et qui apportera sa tête sur le champ de bataille et devant les braves de l’armée.

Guiv fils de Gouderz posa sa main sur son cœur et se déclara prêt à combattre ce dragon ; on lui amena les beaux esclaves, on plaça devant lui, en bon ordre, les trésors et il rendit grâces au roi en disant :

Puisses-tu ne jamais manquer au trône et au sceau !

Le roi ordonna alors au trésorier de placer devant le trône dix tables d’or, de les couvrir de pièces d’argent, de musc et de pierres fines et de ranger devant ces tables dix esclaves au visage de Péri et parées de diadèmes et de ceintures ; deux cents pièces de soie et de brocart à figures d’or, une couronne royale et dix ceintures ; ensuite il dit :

Ce présent est pour celui qui ne recule pas devant les fatigues quand il s’agit d’acquérir de la gloire et des richesses.

Il faut qu’il se rende aux bords du Kaschroud et qu’il y salue les mânes de Siawusch ;

il y trouvera un amas de bois qui a plus de dix lacets de hauteur et qu’Afrasiab accumula à l’endroit où il traversa le fleuve, pour empêcher que personne ne prît cette route et n’y passât de l’Iran dans le Touran.

Il faut donc qu’un des braves de l’Iran y aille et qu’il mette le feu à cette barricade auprès du Kasehroud, pour qu’une armée ne puisse se cacher derrière quand nous y livrerons bataille.

Guiv dit :

Ceci est ma tâche et c’est à moi de brûler cette montagne de bois ; et si une armée s’y oppose, je ne refuserai pas le combat, j’inviterai les vautours au banquet du carnage.

Le roi donna toutes ces richesses à Guiv en disant :

Ô glorieux héros de l’armée !

Puisse ton épée ne jamais manquer à ma brillante couronne !

Puisses-tu toujours être heureux et content !

Il fit apporter incontinent par le trésorier, cent pièces de brocart de diverses couleurs, choisir dans son trésor cent perles si belles que tu les aurais prises pour de l’eau congelée, amener de l’appartement des femmes cinq esclaves, dont les boucles de cheveux étaient cachées sous des diadèmes et dit :

Ce présent est destiné à celui qui saurait se laisser gouverner par la raison, qui serait brave, prudent, doux de langage, qui ne refuserait pas de lutter contre un lion, qui porterait un message à Afrasiab sans que la peur fit tomber des larmes de ses yeux et qui m’en rapporterait la réponse.

Qui, parmi cette noble assemblée, veut se charger de cela ?

Gourguin fils de Milad étendit la main et se déclara prêt à se mettre en route ; le roi lui donna les esclaves, les robes brodées d’or et les pierreries royales et Gourguin le bénit en disant :

Puisse la raison être toujours la compagne de l’âme de Khosrou !

Cependant la terre était devenue noire connue l’aile du corbeau et le flambeau de la lune s’était levé derrière les montagnes ; le roi s’en retourna dans son palais et les grands partirent pour leurs demeures.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021