Keï Khosrou

Firoud et Tokhareh vont observer l'armée iranienne

...

Tokhareh et Firoud sortirent en toute hâte ;

La tête du jeune prince était troublée et son étoile s’éclipsait ;

Car quand le ciel qui tourne au-dessus de toi prend une voie défavorable, ni ta colère ni ta douceur ne peuvent te sauver.

Firoud dit à Tokhareh à la voix douce :

Ne me cache rien de ce que je te demanderai ;

Quand tu reconnaîtras un grand accompagné d’un drapeau, ou un héros qui porte une massue et des bottines d’or, dis-moi son nom, indique-moi tous ceux qui te sont connus parmi les Iraniens.

Ils choisirent une haute montagne d’où ils pouvaient voir l’armée.

Il y avait tant de casques d’or, de boucliers, de massues et de ceintures d’or, que tu aurais dit qu’il ne restait plus d’or dans les mines et qu’un nuage était venu et avait versé des pierres précieuses.

Le bruit des tambours qui montaient entre les deux montagnes était tel, que le cœur du vautour qui volait dans les airs en tremblait.

Il y avait trente mille hommes armés de boucliers et d’épées, qui s’avançaient bravement en ordre de bataille.

Tokhareh et Firoud restèrent stupéfaits à l’aspect d’une si grande armée et d’un tel appareil de guerre.

Lorsque le Destour eut regardé l’armée, le prince lui adressa la parole et le savant Tokhareh répondit :

Je vais t’apprendre ce que tu ignores.

Sache donc que ce drapeau à figure d’éléphant et ces cavaliers à l’épée bleue forment la suite du Sipehbed Thous, qui est acharné au combat quand la vengeance l’anime.

Derrière lui est un autre drapeau, orné d’une brillante figure de soleil ; il appartient au frère de ton père, au noble et fortuné Sipehbed Feribourz fils de Kaous.

Ensuite vient un grand drapeau à figure de lune et environné de nombreux et vaillants guerriers ; c’est celui du jeune Kustehem fils de Guejdehem, devant lequel le lion tremble jusqu’à la moelle des os.

Tu vois plus loin un haut drapeau à figure d’onagre, qu’entoure une troupe guerrière et sous lequel marche Zengueh fils de Schaweran, le plus brave des héros.

Puis vient un drapeau à figure de lune, à fond pourpre et à franges noires ; il appartient à Bijen fils de Guiv, qui fait jaillir jusqu’au ciel le sang qu’il verse.

Le drapeau qui porte une figure de tigre, à la vue de laquelle la peau des lions se fend, est sous la garde du vaillant Schidousch, qui arracherait de sa place une montagne.

Derrière lui tu verras, sur un drapeau, une figure de sanglier qui paraît vouloir percer le ciel avec ses défenses ; c’est le drapeau de Gourazeh, le héros pour qui c’est un jeu de combattre les lions.

Le drapeau à figure de buffle, qui est suivi par une troupe de guerriers et précédé par des cavaliers armés de lances, est celui de Ferhad, de l’homme le plus illustre de l’Iran ; tu dirais que sa tête touche le ciel.

Le drapeau à figure de loup marque la place où se tient Guiv, le terrible Sipehdar.

Le drapeau qui porte une figure de lion brodée en or flotte au-dessus de la tête de Gouderz fils de Keschwad ;

Celui qui est orné de cette grande figure de léopard est le drapeau de Rivniz le puissant, le joyeux ;

Celui qui porte une figure de gazelle appartient à Nestouh fils de Gouderz, qui est entouré de ses troupes ;

Enfin celui qui représente un argali est la bannière de Bahram fils de Gouderz fils de Keschwad.

Tous ces hommes que tu vois sont des lions et de braves cavaliers, mais il serait trop long de les nommer tous.

Pendant que Tokhareh énumérait ainsi les étendards des héros, Firoud, le rejeton de la race des rois, regardait avidement les grands et les petits de l’armée de l’Iran ; son cœur s’en réjouit, ses traits s’épanouirent et à la fin, il dit :

Et Maintenant il me sera facile de venger mon père ; et en poursuivant ma vengeance, je ne laisserai en vie aucun cavalier dans la Chine et le Madjin ; je m’emparerai d’Afrasiab le dragon, je foulerai aux pieds son trône.

Lorsque les Iraniens aperçurent Firoud et Tokhareh au haut de la montagne, le Sipehdar Thous se mit en colère ; il fit arrêter les éléphants et les timbales et dit :

Il faut qu’un cavalier prudent de cette armée glorieuse sorte des rangs, gravisse à cheval cette haute montagne et apprenne qui sont ces deux braves et pourquoi ils se trouvent tout seuls sur la crête de ce rocher.

S’ils font partie de notre armée, il leur donnera deux cents coups de fouet sur la tête ; si ce sont des Turcs et des ennemis, il les liera et les traînera devant moi le visage contre terre ; et s’il les tue, qu’il les traîne de même jusqu’ici, sans craindre la vengeance de qui que ce soit ; si ce sont des espions qui veulent compter en secret l’armée, il les coupera à l’instant en deux, les jettera en bas de la montagne et reviendra.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021