Keï Khosrou

Djehn vient porter un message d'Afrasiab

Cette page peut présenter des erreurs qui seront bientôt corrigées. Merci pour votre compréhension.
...

Le lendemain, lorsque le soleil se montra au-dessus des cimes des montagnes et qu’il plaça son flambeau d’or sous la voûte du ciel, on entendit un grand bruit dans la forteresse et Khosrou en devint inquiet.

Tout à coup on ouvrit la porte du château et ce secret mystérieux fut dévoilé.

Djehn, accompagné de dix cavaliers, sortit de la ville.

C’était un prince prudent, riche et plein de connaissances.

Il s’avança jusqu’à la porte de l’enceinte des tentes royales, (à il mit pied à terre avec son cortège illustre.

Le grand chambellan entra auprès du roi et lui annonça l’arrivée de Djehn avec dix cavaliers.

Le roi des rois s’assit sur son trône d’ivoire et plaça sur sa tête la couronne qui réjouissait les cœurs ; ensuite le vaillant Menouschan sortit et amena Djehn, le prince prudent.

Lorsque celui-ci fut arrivé en présence du roi, Khosrou versa des larmes qui inondaient ses joues ; Djehn s’arrêta confondu ; il ôta de sa tête son casque royal, s’avança jusqu’au pied du trône, rendit hommage au roi et l’adore, en disant :

Ô roi illustre, puisses-tu faire éternellement le bonheur du monde !

Puisse notre pays te porter bonheur !

Puissent le cœur et les yeux de tes ennemis être arrachés !

Puisses-tu être toujours fortuné, toujours servir Dieu, ô toi qui as étendu ta main sur notre pays !

Puissent ton départ et ton retour avoir été heureux !

Puisses-tu être disposé à de bonnes paroles !

J’apporte un message d’Afrasiab, si le roi a la patience de m’écouter. »

Le roi ayant entendu ces paroles de Djehn, ordonna de placer cet homme sage sur un trône d’or.

Djehn s’assit et s’acquitta du message de son père, disant :

Afrasiab est assis sur son trône dans la douleur et les cils des yeux mouillés de larmes.

D’abord je porte au roi les salutations du chef de l’armée de Touran, au cœur déchiré ; il m’a dit :

Grâces soient rendues à Dieu, en qui est notre refuge, de ce que mon petit-fils est parvenu à un tel degré de puissance, qu’il conduit l’armée, qu’il gouverne l’empire, qu’il monte sur la voûte du ciel qui tourne !

Du côté du père, ses aïeux ont été rois, depuis Keïkobad ; du côté de la mère, il descend de Tour ; sa tête dépasse les têtes des rois de la terre et son nom est le diadème qui surmonte le trône L’aigle qui vole dans les nues et le vaillant crocodile dans les flots de la mer sont les gardiens de ton trône ; les bêtes fauves se réjouissent de la fortune et les princes, avec leurs couronnes et leurs joyaux, sont tes inférieurs.

C’est l’œuvre la plus étonnante du Div, le maudit, qu’il n’ait jamais voulu que ma perte.

Comment mon cœur a-t-il tellement failli, que malgré ma tendresse et ma droiture, j’ai tué de ma main le noble Siawusch, le fils innocent de Kaous ?

Mon âme en est déchirée, je suis assis dans ma douleur, ayant perdu la faim et le sommeil.

Ce n’est pas moi qui l’ai tué, c’est le Div impur qui a enlevé de mon cœur la crainte de Dieu.

Le monde lui appartenait, je n’avais contre lui qu’un prétexte, je n’avais pour moi dans cette lutte qu’un mensonge.

Maintenant tu es devenu homme de sens et roi, tu approuves les bons ; regarde donc que de grandes villes, remplies de jardins, de palais, de places et de maisons, ont été dévastées dans cette guerre de vengeance, dont Siawusch et Afrasiab sont le prétexte g pense à tous ces combats de cavaliers vaillants, aux corps d’éléphants et forts comme des crocodiles, qui n’ont eu d’autre linceul que la gueule des lions et dont les têtes ont été séparées de leurs corps ; pense qu’il n’est pas resté un lieu de repos, même dans le désert et que toute cette partie du monde est désolée et dépeuplée ; pense que notre nom ne rappellera (un : hommes, jusqu’au jour de la résurrection, que des combats et des coups d’épées tranchantes.

Dieu le créateur ne peut nous approuver ; et à la fin nous nous tordrons sous la douleur du mal que nous avons fait.

Si tu veux le combat, certainement ton cœur ne se reposera jamais de la guerre.

Réfléchis à la rotation du sort et ne puise des leçons que dans elle.

Car nous sommes dans une ville fortifiée et tu n’as que la campagne ouverte et ta tête pleine de vengeance et ton cœur rempli de sang.

J’appelle ma ville Gangue ; c’est mon paradis, qui a été créé par mon pays et planté par moi ; c’est là qu’est mon armée et mon trésor, là mon sceau et mon diadème ; c’est là que je sème et que je jouis ; c’est là qu’est la demeure de mes lions du combat, pendant que le beau temps et les chaleurs sont passés pour toi et que les roses et les tulipes aux couleurs brillantes sont fanées ; l’hiver et le froid vont venir et gèlerons les mains sur les hampes des lances ; et quand les nuages montreront leurs rides sur le versant des montagnes, la terre de ce pays deviendra comme de la pierre.

Des armées arriveront de partout où je les appelle et tu ne résisteras pas à la rotation du soleil et de la lune.

Suppose que la fortune qui change t’abandonne dans la bataille : alors le sort t’accablera au-delà de tout ce que tu as pu craindre et un autre que toi profitera de ta peine.

Et si tu dis :

Je prendrai le pays des Turcs et la Chine, je ferai écrouler le ciel sur la terre, j’exterminerai cette cour avec l’épée et Afrasiab tombera dans ma main, ne crois pas que cela soit dans l’avenir, car celui-là ne sera jamais broyé, qui n’est pas destiné à périr.

Je suis le petit-fils de Zadschem, le plus grand des rois, je suis de la race de Feridoun et de Djemschid, je possède la sagesse et la dignité que Dieu donne aux rois, je suis comme le Serosch et j’ai des ailes comme lui.

Quand le malheur me serrera de près, je ne demanderai conseil à aucun maître, et, selon la volonté de Dieu, je disparaitrai a l'heure du sommeil, comme une étoile disparaît devant le soleil.

Je traverserai la mer de Kaimak, je t’abandonnerai mon armée et mon empire.

Ganguediz sera la résidence et mon pays et mon peuple ne me verront plus ; mais quand le jour de la vengeance aura paru, alors aie soin de tenir prête ton armée, car je viendrai me venger de toi et rétablir en tout lieu ma foi.

Mais si tu veux renoncer à toute idée de guerre, si tu veux rendre heureux ce pays par ta clémence, j’ouvrirai mes trésors de couronnes et de ceintures, mes trésors d’argent, d’or et de pierreries et tu prendras ce que Feridoun n’avait jamais donné à Iredj et ne parleras plus de vengeance.

Si tu demandes la Chine et le Matchin, tu es le bienvenu, car il faut aller là où le cœur nous pousse.

Le Khorasau et le Mekran sont devant toi et je consens à tout ce que tu voudras.

J’enverrai autant de troupes que tu désireras sur la route que le roi Kaous a prise ; j’enrichirai ton armée, je le donnerai un trône d’or et un diadème ; je te soutiendrai dans toutes les batailles et devant ma cour je te reconnaîtrai comme roi.

Dis ce que tu veux, ce que tu désires, réfléchis sur le passé et sur ton avenir.

Mais si tu refuses mon conseil, si tu médites vengeance contre ton grand-père, alors prépare-toi à la bataille, aussitôt que Djehn sera revenu : je suis prêt pour le combat comme un léopard. »

Dernière mise à jour : 26 sept. 2021