Keï Khosrou

Défaite des Touraniens

...

Tehemten saisit sa lourde massue, les forts et les faibles étaient également impuissants contre lui et le champ de bataille avec ses ravins et sa plaine fut bientôt si encombré, qu’une fourmi ou une mouche n’auraient pas trouvé de chemin pour y passer ;

Les morts et les blessés l’inondaient de sang ;

Les uns étaient des troncs sans tête, les autres étaient couchés la tête en bas.

Lorsque la fortune brillante du Khakan fut ternie et que le jour commença à s’approcher de la nuit, il s’éleva un vent qui amena un nuage noir ;

La lumière du soleil et de la lune s’obscurcit ;

Les Touraniens ne distinguaient plus la tête des pieds les uns des autres et ils s’enfuirent au loin dans le désert.

Piran regarda le champ de bataille ; et voyant que le soleil et la lune cachaient leur lumière à Manschour, à Ferthous, au Khakan, aux braves et aux héros, que les drapeaux des grands étaient renversés et que les blessés gisaient misérablement dans la poussière, il dit au vaillant Nestihen et à Kelbad :

Mettons de côté nos javelots et nos épées ;

Ce drapeau noir est abaissé ;

Les nôtres se sont enfuis en tremblant du champ de bataille.

Guiv portait la destruction dans les rangs de l’aile droite des Touraniens ;

Il rendait la plaine semblable au plumage du coq des bruyères ;

Il parcourut la gauche et la droite des ennemis pour découvrir où se tenait Piran ;

À la fin, ne le voyant pas, lui et ses braves revinrent auprès du fier Rustem.

Leurs destriers étaient excédés de fatigue, eux-mêmes étaient blessés et las de combattre et ils revinrent, Tehemten à leur tête, dans la montagne, heureux d’avoir atteint leur but, le corps brisé de fatigue et l’âme ravie de ce combat, avec leurs casques et leurs cuirasses couverts de sang et de poussière et les caparaçons de leurs chevaux hachés : telle est la coutume et la condition du monde.

Ils ne se reconnaissaient pas les uns les autres avant de s’être lavés entièrement ; leurs poitrines et leurs épées, leurs pieds et leurs étriers étaient trempés de sang ; on ne distinguait pas les montées des descentes, tant il y avait de morts.

Ils se lavèrent la tête et le corps, délivrés désormais de tout souci, car leur ennemi était chargé de lourdes chaînes.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021