Keï Kaous

3ème aventure - Rustem combat un dragon

...

Un dragon sortit du désert, tu aurais dit qu’un éléphant ne pourrait lui échapper ; son gîte était dans cet endroit ; et, de peur de le rencontrer, aucun Div n’aurait osé passer par là.

Il vint et vit avec étonnement Rustem, qui cherchait la possession du monde, endormi et devant lui un cheval.

Il se demanda ce que pouvait être cette apparition et qui avait l’audace de se reposer en ce lieu ; car aucune créature n’osait passer par ce chemin, ni Div, ni éléphant, ni lion plein de courage et si un être vivant y venait, il n’avait aucune chance d’échapper à ce dragon malfaisant.

Le dragon se dirigea vers Raksch le brillant et Raksch courut vers le héros qui cherchait un diadème.

Il frappa la terre de ses sabots d’airain, il la frappait de ses pieds et secouait la queue.

Rustem se réveilla de son sommeil et la tête du héros plein de sagesse se remplit de colère.

Il regarda tout autour de lui dans le désert, mais le dragon furieux avait disparu.

Rustem gronda Raksch étourdiment de ce qu’il l’avait réveillé de son sommeil ; puis il se remit à dormir et le dragon sortit de nouveau des ténèbres.

Raksch courut de nouveau en toute hâte vers la couche de Rustem, déchirant le sol et ruant et de nouveau le dormeur se réveilla avec étonnement et les joues pâles de colère.

Il regarda encore autour de lui dans la plaine ; mais ses yeux ne virent que l’obscurité de la nuit.

Alors, il dit à Raksch son cheval fidèle et vigilant :

Tu ne peux faire disparaître les ténèbres de la nuit ; tu ne fais qu’interrompre mon sommeil ; il te tarde de me voir réveillé.

Si tu fais encore un pareil bruit, je te trancherai la tête avec mon épée acérée ; j’irai à pied dans le Mazenderan, traînant mon casque, mon épée et ma lourde massue.

Je t’avais dit que si un lion venait t’attaquer, je le combattrais pour te sauver ; mais je ne t’ai pas dit de te précipiter sur moi dans la nuit.

Attends que je me réveille.

Rustem s’endormit une troisième fois après s’être couvert la poitrine de sa cuirasse de peau de léopard et de nouveau le dragon féroce rugit ; tu aurais dit que son haleine vomissait le feu.

Cette fois Raksch s’enfuit à travers la prairie ; car il n’osait pas s’approcher du Pehlewan.

Son cœur était déchiré par cette aventure étonnante ; il avait peur et de Rustem et du dragon.

Mais son amour pour Rustem ne lui laissa pas de repos : il courut vers son maître rapidement comme le vent, hennissant, faisant du bruit, déchirant la terre et la fendant de toutes parts avec son sabot.

Rustem se réveilla de son doux sommeil et se mit en colère contre son cheval fougueux ; mais Dieu le créateur du monde voulut que cette fois la terre ne pût cacher le dragon ; Rustem l’aperçut à travers l’obscurité et tirant son épée tranchante, il tonna comme un nuage de printemps et remplit la terre des feux du combat.

Il dit au dragon :

Dis-moi ton pour, car dorénavant tu ne parcourras plus la terre à ton gré ; il ne faut pas que ma main arrache ton âme de ton corps noir sans que je sache ton nom.

Le dragon malfaisant lui répondit :

Personne ne peut se sauver de mes griffes ; depuis des siècles et des siècles ce désert est mon séjour et le ciel sublime qui le couvre est le lieu où je respire.

Aucun aigle n’ose voler au-dessus et les étoiles ne le regardent pas même en rêve.

Le dragon ajouta :

Quel est ton nom ?

Il faut que ta mère te pleure.

Rustem lui répondit :

Je suis Rustem ; mon père est Destan fils de Sam, mon aïeul est Neriman.

À moi seul je suis une armée qui cherche le combat et je foule la terre assis sur Raksch le courageux.

Tu me verras vainqueur dans le combat et je ferai rouler ta tête sur la terre.

Le dragon se jeta sur lui pour le combattre, mais à la fin il n’eut pas le dessus ; car quand Raksch vit la force de corps du dragon qui assaillait ainsi le distributeur des couronnes, il coucha ses oreilles et (ô merveille !) se mit à déchirer avec ses dents les deux épaules du dragon, à mettre en lambeaux sa peau comme aurait fait un lion ; et le vaillant Pehlewan en fut étonné.

Rustem frappa le dragon de son épée et sépara sa tête du corps et le sang sortit du tronc comme un torrent.

La terre disparut à la vue sous ce corps et il en jaillit une fontaine de sang.

Lorsque Rustem regarda ce dragon furieux, sa poitrine, ses pieds et son haleine brûlante ; lorsqu’il vit que le désert entier en était rempli et que son sang chaud coulait sur la terre noire, il en fut effrayé et resta longtemps dans l’étonnement ; puis il invoqua le nom de Dieu, entra dans l’eau, se lava la tête et le corps et ne désira conquérir le monde que par la force que Dieu le protecteur du monde lui avait donnée.

Il s’adressa à Dieu en ces mots :

Ô dispensateur de la justice, tu m’as accordé du savoir, de la force et de la gloire.

Que sont devant moi un lion, un Div, un éléphant, un désert sans eau ou les flots bleus de la mer ?

Que mes ennemis soient en petit ou en grand nombre, quand je me mets en colère, ils deviennent à mes yeux comme un seul homme.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021