Keï Kaous

Soudabeh trompe le roi

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Soudabeh déchira soudain tous ses vêtements, elle ensanglanta ses joues avec ses ongles et fit retentir de ses cris les appartements des femmes du roi ; on entendit dans la rue un bruit qui provenait du palais ; on entendit des voix et des clameurs qui en venaient ; tu aurais dit que c’était la nuit de la résur. rection.

La nouvelle parvint aux oreilles du roi ; il descendit de son trône impérial ; il quitta, plein de soupçons, son trône d’or et courut vers l’appartement de ses femmes.

Il y arriva et voyant le visage de Soudabeh tout déchiré et le palais plein de tumulte, il fit des questions à tous cette :

qu’il vit ; son cœur était serré, mais il ne se doutait pas de ce qu’avait fait cette femme au cœur de pierre.

Soudabeh vint à lui, poussant des cris, versant des larmes de sang, arrachant ses cheveux et s’écriant :

Siawusch s’est présenté devant mon trône, il a mis les mains sur moi et m’a saisie avec force en disant :

Mon âme et mon cœur sont remplis d’amour pour toi ; pourquoi, ô belle, me résistes-tu ?

Dès le commencement je n’ai désiré que toi !

Voilà la vérité, il faut bien que je la dise.

Il a fait tomber le diadème de ma’ tête aux cheveux de musc et tu vois comment il a déchiré ma robe sur mon sein. »

Le roi devint pensif à ce récit et adressa à Soudabeh des questions de toute espèce.

Il dit en son

âme :

Si elle dit vrai, si elle ne cherche pas à le calomnier, il faudra que je tranche la tête à Siawusch ; c’est ainsi que je romprai le sort que la méchanceté a jeté sur moi. »

Le sage dira maintenant que le doux courant de cette histoire va se changer en sang.

Ceux qui se trouvaient dans l’appartement des femmes étaient trop prudents et trop courtisans pour parler.

Le roi les renvoya et resta seul dans le palais, où il appela devant lui Siawusch et Soudabeh.

Il dit à Siawusch avec prudence et avec mesure :

Il ne faut pas vouloir me cacher ce secret ; ce n’est pas toi qui as fait ce mal, c’est moi et ce sont mes paroles insensées qui m’ont jeté dans ce malheur.

Pourquoi t’ai-je envoyé dans l’appartement des femmes ?

Il nous en revient, à moi la honte, à toi les incantations et l’ensorcellement.

Dis-moi la vérité, montre-moi ton front, raconte-moi comment tout s’est passé. »

Siawusch lui raconta ce qui était arrivé par l’amour insensé de Soudabeh.

Il lui raconta tout ce qui s’était passé, toutce qui s’était fait en secret.

Soudabeh répliqua :

Ce n’est pas la vérité.

Il n’a recherché parmi ces idoles que moi.

Je lui ai dit tout ce que le roi du monde allait lui donner en publicet en secret, sa fille, un trône et des joyaux, de l’or et de grands trésors.

Je lui ai dit que j’en ajouterais autant, que je donnerais à ma fille tous mes biens.

Il m’a répondu : Je ne désire pas tes richesses, je n’ai aucune envie de voir ta fille ; de tout cela il ne me faut que toi, je ne veux d’autre trésor que toi, je n’ai envie d’aucune autre femme.

Il a voulu me forcer de me prêter à ses désirs, il m’a saisie de ses deux mains dures comme une pierre ; et comme je lui résistais, il m’a arraché tous mes cheveux ; et mes joues ont été déchirées.

Je porte, ô roi, dans mon sein un enfant de toi ; mais Siawusch a manqué de le tuer, tant il m’a maltraitée et le monde est devenu étroit et sombre devant mes yeux. »

Le roi dit en lui-même :

Leurs paroles ne me permettent pas de décider.

Il ne faut pas que je me hâte en cette affaire, car l’angoisse du cœur confond le jugement.

Il faut d’abord que j’examine et mon cœur prononcera quand le calme y sera rentré ; je verrai qui des deux est criminel et digne des scorpions de la punition. »

Il chercha alors un moyen de reconnaître la vérité et commença par sentir les mains de Siawusch ; il flaira sa poitrine et son visage et de la tête aux pieds il flaira tout son corps.

Kaous trouva sur Soudabeh l’odeur du vin et du musc et le parfum de l’eau de rose, mais il ne trouva sur Siawusch aucune odeur semblable et aucun indice qu’il eût touché Soudabeh.

Il en fut courroucé et traita Soudabeh avec mépris ; son cœur était rempli de tristesse.

Il dit en son âme :

Il faut donc que je la fasse couper en morceaux avec l’épée tranchante. »

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Ensuite, il se souvint du Hamaveran et des dangers, des luttes et des combats de ce pays ; il se souvint que quand il était dans les chaînes et qu’il n’avait autour de lui ni parent ni ami, Soudabeh le servait jour et nuit, sans se lasser, sans se plaindre de sa peine.

Il songea qu’elle avait un cœur rempli d’amour et qu’il aurait fallu lui épargner toute tentation de faire du mal ; enfin il se souvint des petits enfants qu’il avait d’elle et qu’on ne devait pas compter pour peu de chose la douleur de l’enfance.

Ainsi Siawusch fut déclaré innocent et le roi reconnut sa sagesse.

Il lui dit :

Ne pense plus à ce chagrin, arme-toi de sens et de prudence, ne parle pas de ce qui est arrivé, ne le confie à personne, car il ne faut pas que cette aventure s’ébruite. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021