Keï Kaous

Siawusch montre son adresse devant d'Afrasiab

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Une nuit le roi dit à Siawusch :

Tenons-nous prêts tous deux demain de grand matin ; nous irons au Meïdan avec des balles et des raquettes ; nous y jouerons quelque temps et nous nous livrerons à la joie.

J’ai toujours entendu dire que dans ton Meï-

dan les braves n’osent pas regarder ta raquette. »

Siawusch répondit :

Ô roil puisses-tu être toujours heureux !

Puisse la main du malheur être toujours loin de toi !

Les rois cherchent en toi le modèle de toute prouesse ; et qui pourrait te surpasser en rien ?

Le jour brille pour moi par ta grâce et c’est de ta main que me vient le bonheur et le malheur. »

Afrasiab lui dit :

Ô mon enfantl puisses-tu être toujours heureux et toujours victorieux !

Tu es le fils de Kaous et l’ornement du trône ; tu es la couronne des Keïanides et le soutien de l’arméem De grand matin les braves se rendirent au Meïdan, galopant, caracolant et riant.

Le roi des Turcs dit à Siawusch :

Choisissons maintenant nos compagnons pour le jeu de la balle.

Mets-toi de ce côtélà ; moi je resterai de ce côté-ci et toute l’assemblée se divisera de même en deux partis. »

Siawusch répondit :

Pourquoi prendrais-je une balle et une 2M raquette ?

Je ne veux pas lancerla balle contre toi ; cherche un autre antagoniste dans le Meïdan;je serai de ton côté si tu m’en juges digne ; je serai un de tes cavaliers sur ce large Meïdan. »

Le roi, fut réjoui de cette réponse et les paroles de tous les autres ne lui parurent que du vent.

Par la vie et la tête de Kaous !

Dit-il, tu seras mon rival et mon adversaire.

Montre ton habileté devant ces cavaliers. pour qu’ils ne disent pas que j’ai mal choisi, pour que nos braves te rendent hommageiet que mes yeux étonnés soient réjouis de ton jeu. »

Siawusch répondit :

Tu es le maître ; les cavaliers, le Meïdan et les raquettes sont à toi. »

Le roi choisit alors Gulbad et Guersiwez, Djehn et Poulad, Piran et Nestihen avide de combats, enfin Human qui pouvait faire rebondir la balle de l’eau.

Ensuite, il envoya du côté de Siawusch des compagnons, tels que Bouïn et Schideh le glorieux, Anderiman le brave guerrier et Ardjasp le hardi cavalier, le lion vaillant.

Siawusch lui dit :

Ô prince avide de gloire !

Qui d’entre eux oserait se placer devant ta balle ?

Ils sont tous amis du roi et je serais seul, je serais seul à manier la raquette.

Mais si le roi veut me le permettre, j’amènerai sur le Meïdan des cavaliers du pays d’Iran qui m’aideront à frapper la balle selon la règle des deux pays. »

Le roi écouta la demande et y consentit et Siawusch choisit parmi les Iraniens sept hommes habiles au jeu.

Le bruit des tambours se fit entendre sur le Meïdan et la poussière s’étendit comme le firmament :

tu aurais dit que le Meïdan sautait, tant était grand le bruit des cymbales et des trompettes.

Le roi lança du Meïdan une balle dans l’air et elle s’éleva jusqu’aux nues, comme cela doit être.

Siawusch poussa son cheval de bataille et lorsque la balle arriva, il ne la laissa pas toucher la poussière,.mais la frappa au moment où elle s’approcha de terre, de manière à la faire disparaître aux yeux.

Alors le puissant roi fit porter à Siawusch une autre balle.

Siawusch la prit et la baisa ; le bruit des trompettes et des timbales s’éleva jusqu’au ciel ; Siawusch monta un cheval frais, jeta la balle un peu en l’air avec la main et la frappa si fort avec la raquette qu’il lui fit voir de près la lune.

La balle disparut, tant la raquette l’avait lancée haut : tu aurais dit que la voûte du ciel l’avait attirée.

Aucun homme, dans le Meïdan, n’était l’égal de Siawusch ; aucun visage ne rayonnait comme le sien.

Afrasiab sourit en voyant disparaître la balle ; et quand les grands furent revenus de leur stupeur, ils dirent à haute voix que jamais ils n’avaient vu en selle un cavalier comme Siawusch l’illustre.

Le roi dit :

Tel devrait être quiconque a été revêtu par Dieu du pouvoir royal et je reconnais que la beauté, la bonne mine, la gloire et l’adresse de Siawusch passent ce qu’en publie la renommée. »

On plaça un trône d’un côté du Meïdan et le roi alla s’y asseoir ; Siawusch y monta à côté de lui et le roi se réjouit grandement à son aspect.

Ensuite Afrasiab dit à son cortège :

À vous le Meïdan, les raquettes et les halles. »

Les deux troupes se mirent à combattre et la poussière vola jusqu’au soleil et chacun des deux partis alternativement enleva avec de grands cris la balle à ses adversaires.

Les Turcs à la fin s’irritèrent ; ils voulurent à toute force emporter la halle et Siawusch se mit en colère contre les Iraniens et leur dit en langue pehlewi :

mEst-ce un jeu de Meïdan que vous jouez, ou est-ce une bataille que vous voulez livrer, dans notre position et malgré la tournure qu’a prise notre sort ?

Puisque le jeu est fini, quittez la place aux Turcs et cédez-leur une fois la halle. »

Les cavaliers iraniens manièrent alors la bride doucement et depuis ce moment ils ne mirent plus en sueur aucun de leurs chevaux.

Les Turcs jetèrent une balle et s’élancèrent comme des flammes.

Le roi du Touran entendit les cris des Turcs, il comprit pourquoi Siawusch avait parlé en pehlewi et dit :

Un de mes amis m’a assuré que personne au monde n’égalait Siawusch dans le maniement de la flèche et de l’arc, ni pour la force de la poitrine-(et des épaulesn Siawusch entendit ces paroles et tira du fourreau un arc royal.

Le roi le lui demanda pourle regarder et pour mettre à l’épreuve un de ses serviteurs.

Il

A regarda l’arc et en resta étonné et prononça beau- coup de bénédictions sur les braves qui maniaient des armes pareilles.

Ensuite, il le donna à Guersiwez prompt de ’épée et lui dit :

Frotte le dos de l’arc et bande-le. »

Guersiwez fit des efforts pour le bander, mais il ne réussit pas et en fut humilié.

Siawusch reprit l’arc, s’accroupit sur ses genoux, frotta le dos de l’arc avec la main et le banda en souriant.

Le roi dit :

Voilà donc l’arc bandé, grâce à la force que donne la jeunesse ; moi aussi, lorsque j’étais jeune, j’avais un pareil arc, mais à présent est venu pour moi un autre temps.

Personne, dans l’Iran ni dans le Touran, n’oserait prendre cette arme au jour du combat ; mais Siawusch, avec cette poitrine, ces bras et ces épaules, ne demandera pas un autre arc quand il sera assis sur son cheval. »

On plaça un but. dans la lice et Siawusch, sans adresser la parole à personne, s’assit sur son cheval comme un Div, le serra des jambes et partit en poussant un cri.

Il envoya une flèche au milieu du but, sur lequel tous les grands tenaient leurs yeux fixés.

Il plaça sur son arc une seconde fois une flèche à quatre ailes et de bois de peuplier, tendit l’arc, frappa au but et le perça pour la seconde fois dans une seule course.

Il guida ensuite son cheval vers la droite et frappa au but une troisième fois là où il voulut.

Il suspendit par la corde son arc à son bras, s’approcha du puissant roi et mit pied à terre.

Le roi se leva et lui dit :

Ta prouesse est la preuve de ta haute naissance. »

Ils se rendirent de là au palais du roi, pleins d’allégresse et d’une affection mutuelle.

Ils s’assirent ; on prépara une table et du vin ; on choisit des chanteurs dignes d’être entendus ; ils burent beaucoup de vin ; ils se livrèrent à la joie et l’on porta la santé de Siawusch.

Le roi fit placer devant la table des présents, un cheval, des caparaçons, un trône, une y couronne, des pièces d’étofl’es pour faire des vêtements, encore entières et si belles que personne au monde n’en avait vu de pareilles, de l’or et des monceaux d’argent, des rubis et des turquoises grandes et petites, un grand nombre d’esclaves des deux sexes et une coupe remplie de brillants rubis.

Le roi fit compter ces présents et les fit porter au palais de Siawusch.

Il ordonna à tous les Touraniens qui étaient de sa famille et à ceux qui avaient le plus de part à ses bonnes grâces, d’apporter aussi à Siawusch des joyaux et de la vaisselle précieuse et il dit à son armée :

Vous lui obéirez tous comme un troupeau obéit au berger. »

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021