Keï Kaous

Siawusch consulte Bahram et Zengueh

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Alors Siawusch appela auprès de lui deux d’entre les grands de l’armée, Bahram et Zengueh fils de Schaweran, pour leur confier ce secret ; il renvoya tout le monde de la salle et les fit asseoir devant lui car c’étaient les deux confidents de ses secrets depuis que Rustem avait quitté l’armée.

Il leur dit :

Ma mauvaise fortune m’attire beaucoup de malheurs.

Le cœur de Kaous, dans son amour pour moi, était comme un arbre chargé de feuilles et de fruits ; mais depuis que Soudabeh l’a perverti, on dirait ce qu’il est changé en poison pénétrant.

L’appartement de cette femme est devenu ma prison et la destinée qui me souriait a été flétrie par elle.

Tel a été mon sort, que le fruit de l’amour de cette femme a été pour moi un feu dévorant.

J’ai préféré aux festins du roi les fatigues et les combats, je suis resté loin de tout plaisir et de toute fêle.

Il y avait sa Balkh une grande armée sous le commandement !

De Guersiwez le guerrier et dans le Soghd était campé Afrasiab, rempli de haine et entouré de et cent mille hommes prêts à tirer l’épée.

Nous sommes spartis comme un ouragan, nous n’avons pas hésité run instant à combattre.

Lorsque les Touraniens ont été expulsés de toute la province, ils ont ennoyé des otages et ces présents et tous les Mobeds ont été d’avis que nous quittions le champ de bataille.

Car quand on combat pour s’agrandir et qu’on a obtenu des trésors et des provinces, pourquoi continuer méchamment à verser du sang et à jeter dans les cœurs le germe de la vengeance ?

Un roi qui n’a pas de cervelle ne peut discerner le bon du mauvais.

Kobad a paru et il est mort ; il a laissé cl’empire à Kawa et depuis ce temps il faut regarder tout comme perdu.

Kaous n’approuve pas ce que j’ai fait, il ne cherche qu’à me mettre en peine et en détresse.

Il m’ordonne follement de faire la guerre ; je crains qu’il ne tienne aucun compte de mes serments et pourtant il ne faut pas se sous»

Rrtraire aux ordres de Dieu, il ne faut pas dévier de la voie de ses pères.

Il veut me perdre dans ce monde et dans l’autre et je resterais dans l’état que désirerait le cœur d’Ahriman.

Qui sait d’ailleurs à qui la rotation du ciel porterait malheur dans rmette guerre ?

Oh !

Pourquoi ma mère m’a-t-elle mis au monde !

Et pourquoi, si je devais naître, la mon, me m’a-t-elle pas emporté !

Quand on est obligé de traîner de pareilles douleurs, on ne se nourrit que d’amertume et de soucis ; la oie alors n’est qu’un arbre qui a crû, mais dont le fruit est du poison, dont la feuille donne la mort.

Si après une promesse telle que je l’ai donnée en invoquant Dieu et après les serments que j’ai faits, je détourne ma tête de la droite voie, si de tous côtés on ne voit que mensonge, les hommes ouvriront partout leurs lèvres pour me maudire comme je l’aurai mérité.

Car le monde entier sait que j’ai fait la paix avec le roi des Turcs.

Comment Dieu m’approuverait-il et qu’amènerait sur moi la rotation du ciel, si, contre mes serments, je recommençais la guerre, si je me révoltais contre le ciel et la terre ?

Je m’en irai, je chercherai un coin dans le monde où mon nom reste caché à Kaous ; alors arrivera, dans ce monde brillant, ce que Dieu voudra et ordonnera.

Maintenant, ô illustre Zengueh fils de Schaweran, prépare-toi pour une grande fatigue ; pars pour la cour d’Afrasiab, ne tarde pas et ne te laisse pas aller au sommeil.

Ramène-lui ses otages, rap- porte-lui ses trésors de toute espèce, son or, ses joyaux et son trône et raconte-lui ce qui m’arrive. »

Ensuite, il dit à Bahram fils.de Gouderz :

Je ; te confie cette armée glorieuse, cette frontière, ces éléphants et ces timbales.

Tu attendras l’arrivée du Sipehdar Thons, à qui tu remettras l’armée et les

trésors, le tout en bon ordre et tu lui rendras compte de tout, de l’or, des couronnes et des trônes. »

À ces mots, le cœur de Bahram trembla de ce que Siawusch allait faire et Zengueh fils de Schaweran versa des larmes de sang et maudit le pays de Hamaveran.

Tous deux restaient assis, dans leur douleur, les traits décomposés par l’elYet de ces paroles.

À la fin Bahram dit :

Ce n’est pas ainsi que que tu dois agir ; car, séparé de ton père, tu es déplacé partout dans le monde.

Écris une lettre’au roi, demande qu’il t’envoie une seconde fois Rustem au corps d’éléphant ; et s’il t’ordonne de faire la guerre, fais-la.

C’est une affaire qui sera bientôt terminée, à moins que tu ne choisisses le plus long chemin.

Si tu préfères le repos, il n’y a en cela au-cune difficulté et tu peux sans honte demander pardon à ton père.

Si tu voulais m’envoyer auprès de lui, j’éclaircirais son âme obscurcie.

Si tes prisonniers te pèsent si fort sur le cœur, renvoie-les libres.

N’es-tu pas maître alors de faire la guerre ?

Kaous, dans sa lettre, ne t’ordonne que d’entrer en campagne, il n’y a rien dans ce qu’il dit à quoi on ne puisse apporter remède.

Faisons la guerre selon l’ordre du roi, rendons étroite la terre à nos ennemis.

N’ouvre pas légèrement ton cœur à ces soupçons et ramène par la douceur la tête de ton père dans tes filets.

Ne détruis pas notre fortune au moment où l’arbre de la puissance porte du

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fruit.

N’inonde pas de sang tes yeux, ton trône et ta couronne, ne dessèche pas le cœur de l’arbre royal.

Comment la couronne et le trône, l’armée et la cour, le camp et la salle d’audience se pas-seraient-ils de toi ?

La tête et la cervelle de Kaous sont un brasier et c’est folie de lui en vouloir et de lutter contre lui.

Je me tais, car si le ciel ena ordonné autrement, pourquoi ferais-je de longs cSeiawudschins’apcprouveuparslesconZseil?de»cesde.ux sages ; le ciel sublime en avait décidé autrement.

Il répondit :

A mon avis, l’ordre du roi est au-dessus du soleil et de la lune ; mais il n’y a rien de fort devant Dieu, depuis le brin d’herbe jusqu’à l’éléphant et au tigre : quiconque enfreint l’ordre de Dieu est insensé et n’a pas trouvé le chemin de la sagesse.

F aut-il donc étendre la main pour verser du sang ?

Faut-il être le premier à commencer la guerre entre deux pays ?

Et quand même je m’y rémudrais, le roi me tourmenterait à cause de ces prisonniers, il reviendrait sans cesse sur ce que j’aurai refusé de faire.

Et si je quittais ce champ de bataille et revenais auprès de lui sans avoir accompli sa volonté, il me témoignerait son inimitié et sa haine et couverait dans son sein le feu de son courroux.

Mais si vous êtes affligés de ce que je fais, si vous refusez de m’obéir, je serai mon propre messager et mon propre guide, abandonnant mes tentes dans cette plaine.

Car ceux qui ne peuvent plus participer à ma fortune, pourquoi les forcerais-je à partager mes peines ? »

L’âme de ces deux hommes qui portaient haut la tête se flétrit à ces paroles de Siawusch ; ils pleuraient de peur de le perdre, ils étaient dévorés comme d’un feu ardent.

Leurs cœurs et leurs yeux voyaient les malheurs que le sort préparait en secret à leur maître, il : savaient qu’ils ne le reverraient plus et ils pleuraient sur lui.

Zengueh lui dit :

Nous sommes tes esclaves et notre cœur est rempli d’amour pour toi : puissent nos corps et nos âmes te servir de rançon !

Puissions-nous te rester fidèles jusqu’à la mort ! »

Le prudent Siawusch ayant entendu cette réponse de son ami, lui dit :

Va et raconte au roi des Turcs ce qui m’est arrivé en cette affaire, comment de cette paix est sortie peur moi la discorde et comment ce qui est du miel pour lui est pour moi du poison et de la douleur.

Dis-lui que je n’ai pas violé notre traité, quoiqu’il en résulte pour moi la perte du trône du pouvoir.

Dieu le créateur est mon asile, la terre est mon trône, le ciel est ma couronne.

Dis-lui encore qu’il ne me convient pas de retourner imprudemment auprès de Kaous dont je n’ai pas rempli les ordres ; qu’Afrasiab m’ouvre donc un chemin pour que je me rende au lieu où Dieu m’aura assigné une demeure.

Je veux cher-à".

cher sur la terre un pays où mon nom reste caché à Kaous, où je n’entende pas parler de ses mauvaises intentions et ou je puisse pendant quelque temps me reposer de la lutte que j’ai à soutenir contre lui. »

Dernière mise à jour : 19 déc. 2021