Keï Kaous

Guiv se rend dans le Touran pour chercher Keï Khosrou

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Lorsque le soleil brillant se fut levé et eut rendu la terre semblable à la rose et au fenugrec, Guiv parut, ceint pour le combat et monté sur un cheval aux pieds de vent.

Gouderz lui dit :

Quel compagnon as-tu l’intention de prendre avec toi ? »

Il répondit :

Ô vaillant Pehlewan du monde, à la tête haute, à l’âme brillante !

Un lacet et un cheval me suffisent pour compagnons et j’aime mieux n’emmener personne dans le Touran.

Si je prenais avec moi des hommes, on demanderait qui je suis et me trouverais forcé de livrer des combats.

Je n’ai besoin que d’un lacet accroché à la selle, d’un cheval rapide, d’une épée étincelante et d’un vêtement indien.

Le désert et la montagne seront pour longtemps ma demeure et quand je pourrai, je me ferai précéder par un guide ; mais je ne dois pas entrer dans les villes, on m’y reconnaîtrait et j’au-

rais à m’en repentir.

Je pars content et joyeux, me confiant à la fortune victorieuse du Pehlewan du monde.

Élève dans tes bras mon fils Bischen, garde-le des embûches du sort, enseigne-lui l’art de la guerre, car les combats et les festins sont les seules choses qui lui conviennent.

Malgré sa jeunesse, j’ai reconnu en lui une bravoure qui lui a gagné mon cœur.

Adieu !

Pense à moi, adoucis-lui les peines que lui causera mon absence.

Je ne sais si nous nous reverrons, il n’y a que Dieu le Créateur qui le sache.

Quand tu laves tes joues pour prier Dieu, prie aussi pour moi le Créateur, qui est plus puissant que toute puissance et dont tous les rois sont esclaves, sans la volonté duquel le ciel ne tournerait pas, sans l’ordre duquel il n’y aurait ni sommeil ni nourriture, qui a créé la terre et le ciel et ce qui est fort et ce qui est faible.

Il est la source de l’espoir et de la crainte, il est le maître de l’eau, du feu, du vent et de la terre, puisse-t-il être mon protecteur et me guider jusqu’auprès du roi glorieux ! »

Le père était vieux et le fils était vaillant et semblable à un lion qui ouvre la gueule pour le combat.

Gouderz ne savait pas s’il le reverrait et son âme était bouleversée de ce départ.

Guiv descendit de cheval et baisa la main du héros au cœur de lion ; son père le pressa contre sa poitrine et lui baisa le visage et la tête à plusieurs reprises.

Le vieux Gouderz adressa ses prières à Dieu, disant :

Ô distributeur de la justice, viens-moi en aide !

Je te confie mon jeune et glorieux fils, qui est ma vie et ma

KI-. raison ; je le le confie pour qu’il délivre mon pays de ses maux.

Rends-Ie-moi, ô Seigneur ! »

Ceux qui ont souffert dans la vie beaucoup de peines et qui les ont supportées pour acquérir du pouvoir, n’ont à la fin d’autre couche que la poussière ; le monde ne leur donne que du poison, un poison contre lequel il n’y a pas de remède.

Puisque tu sais que tu ne resteras pas longtemps dans ce monde, pourquoi mets-tu sur ta tête la couronne de l’avidité ?

Tu l’emporteras avec toi sous terre, tu la porteras sur ta tête dans le tombeau.

Le monde t’offre beaucoup de délices, pourquoi te donnerais tu de la peine pour un autre que toi ?

Tu travailles, mais un autre jouira du fruit de tes travaux à son aise et sans jeter un regard sur ton tombeau et sur ta bière.

Et lui, à son tour, verra la fin de ses joies et la poussière recouvrira sa tête.

Pense que les jours s’en vont ; fais ton occupation des prières à Dieu le tout juste.

Quelque long que soit ton séjour sur la terre, il faudra partir par une roule qui ne permet pas de retour.

Fais donc le bien et n’afflige per--sonne, c’est la la voie du salut.

Ne mets pas ton affection dans ce monde instable, car il ne t’appara tiendra pas à jamais.

O homme sage et au cœur pur, ne te plonge pas dans le doute et retire ton pied de ce limon.

Dieu est ton père nourricier, tu es son esclave et sa créature.

Si tu te charges du fardeau des doutes, ne doute pas au moins de l’existence de

Dieu et ne la combats pas.

Celui qui la nie ne mérite ni nourriture ni sommeil et il ne faut pas s’asseoir à côté de lui ; car son cœur est aveugle et sa tête est insensée et le sage ne le compte pas parmi les hommes.

L’eau et la terre témoignent de l’existence de Dieu ; ne jette pas ton âme dans les ténèbres de la perdition par ton savoir prétendu.

Dieu peut tout, sait tout et tient tout dans sa main ; c’est lui qui a formé l’intelligence et l’âme.

Le roi du Touran avait espéré élever sa tête au-dessus de tous les hommes ; il avait tué ce jeune fils de roi, mais il s’était préparé par là un sort terrible ; car Dieu le distributeur de la justice fit sortir des reins mêmes du roi des Turcs un rejeton portant du fruit, qui le punit comme il le méritait et détruisit son pouvoir et son palais.

Dieu est le maître de Saturne, du soleil et de la lune, c’est de lui que vient toute victoire et tout secours ; il est le maître de l’existence et de la justice et c’est de lui que vient la grandeur et l’abaissement.

Il n’y a de voie véritable que sa volonté et ses ordres et le soleil et la lune sont ses instruments aveugles.

Pour se conformer aux ordres de Dieu, Guiv noua sa ceinture et partit, semblable à un lion furieux ; il partit seul et n’emmena personne, confiant à Dieu son corps habitué au luxe.

Il marcha jusqu’à ce qu’il eût atteint le pays de Touran ; et quand il trouvait sur son chemin un homme seul, il lui demandait avec douceur, en langue turque, des nouvelles de Khosrou.

Si le Turc lui répondait qu’il n’en avait pas connaissance, il le tuait aussitôt, l’attachait avec son lacet, le traînait au loin et le couvrait de terre, afin que personne ne connût son secret, n’entendît prononcer son nom et n’ébruitât son arrivée.

Une fois il prit pour guide un homme du peuple ; il le suivit avec précaution et ne lui confia son secret que quelques jours après, en lui disant :

J’ai à t’adresser en confidence une question.

Si tu agis envers moi avec droiture, si tu écartes de ton cœur toute fausseté et tout mensonge, je te donnerai tout ce que tu voudras, je ne te refuserai pas ma vie et mon corps. »

Le Turc répondit :

Il y a beaucoup de choses qui sont connues, mais la connaissance en est répartie entre tous les hommes.

Si je sais ce que tu me demanderas, ma langue ne te refusera pas une réponse. »

Alors Guiv lui demanda :

est Keï Khosrou ?

Il faut que tu me répondes selon la vérité. »

Le Turc répondit :

Je n’en ai jamais entendu parler et n’ai jamais fait de question à personne sur un homme de ce nom. »

Guiv ayant reçu cette réponse de son guide, le frappa de son épée et lui abattit la tête.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021