Homaï

Darab demande son origine à la femme du blanchisseur

...

Un jour Darab dit au blanchisseur :

J’ai un secret que je n’ose pas m’avouer à moi-même : je ne suis pas ému d’un amour filial pour toi, mes traits ne ressemblent pas aux tiens et je suis toujours étonné quand tu m’appelles ton fils, quand tu me fais asseoir auprès de toi dans la boutique.

Le blanchisseur lui répondit :

Voilà des paroles qui font revivre les douleurs des peines passées et anciennes.

Si ton ambition est plus grande que ma condition, recherche ton père : ton secret appartient à ta mère.

Or il arriva qu’un jour le blanchisseur sortit en toute hâte pour aller à la rivière ; Darab ferma solidement la porte, saisit son épée et rentra chez sa mère, disant :

Ne cherche pas à mentir et à me tenir dans l’obscurité ; dis la vérité sur tout ce que je te demande.

Que vous suis-je ?

Quelle est ma naissance ?

Pourquoi me trouvé-je chez un blanchisseur ?

La femme, dans sa terreur, lui demanda grâce et invoqua la protection du Maître suprême.

Elle répondit :

Ne verse pas mon sang, je te dirai tout ce que tu demandes.

Elle lui raconta en détail, avec exactitude et en écartant tout mensonge, l’histoire entière de la boîte, du petit nourrisson, de l’or et des joyaux dignes d’un roi, ajoutant :

Nous étions des artisans, nous n’étions point d’une famille puissante.

C’est à ton trésor que nous devons tout ce que nous avons, c’est par lui que nous sommes sortis d’une condition infime.

Nous sommes des esclaves, c’est à toi de commander ; réfléchis à ce que tu veux, nos corps et nos âmes sont à toi.

Darab resta confondu à ces paroles et son esprit se recueillit pour réfléchir ; à la fin il demanda :

Reste-t-il quelque chose de ces richesses, ou le blanchisseur les a-t-il toutes dissipées ?

Reste-t-il de quoi acheter un destrier, dans cet état d’abaissement et de misère ?

La femme lui dit :

Il en reste assez et plus que cela : il y a de l’argent, un jardin fruitier et des terres.

Elle lui donna tout l’or qu’elle avait et il restait cette grande pierre fine toute intacte.

Darab acheta un noble cheval, une selle bon marché, une massue et un lacet.

Il y avait un commandant de frontière, homme de valeur et de sens, puissant, agréable et de bon conseil.

Darab se rendit auprès de lui, l’âme troublée et pleine de soucis.

Le commandant le traita honorablement et la fortune lui fut favorable.

Mais il arriva qu’une armée vint du pays de Roum et dévasta cette riche frontière ; le commandant fut tué dans le combat et son armée resta ainsi sans chef.

Quand Homaï reçut la nouvelle que les gens de Roum avaient envahi cette frontière, elle ordonna à un homme nommé Reschnewad, qui était un Sipehbed et d’une famille de Sipehbeds, de marcher contre les Roumis et de convertir avec l’épée leur pays en un désert.

Reschnewad rassembla à l’instant une armée, fixa un lieu de rassemblement et paya la solde.

Cette nouvelle remplit de joie Darab, il accourut !

Et se fit inscrire.

Lorsque beaucoup de troupes venant de tous côtés furent réunies et que des corps furent arrivés de partout, Homaï sortit du palais impérial, entourée de chefs, ses conseillers fidèles, pour faire défiler devant elle l’armée et vérifier les hommes et leurs noms sur les rôles.

Elle se tenait depuis quelque temps sur la large plaine et beaucoup de troupes avaient défilé devant elle, lorsqu’elle aperçut Darab, à l’aspect noble, de haute stature, la massue de fer sur l’épaule ; on aurait dit qu’il remplissait toute la plaine et que la terre pliait sous les pas de son destrier.

Lorsqu’elle vit cette poitrine et ces traits qui charmaient les cœurs, le lait coula de son sein maternel.

Elle demanda :

D’où vient ce cavalier avec ces bras et cette taille haute et droite ?

Il est brave, portant haut la tête et vaillant ; mais son armure n’est pas digne de lui.

Lorsqu’elle eut admiré la beauté de Darab, elle approuva la tenue de toute l’armée.

Elle choisit, d’après les astres, un jour selon toutes les règles pour l’entrée en campagne du Sipehbed et lorsque les chefs furent unanimes là-dessus, ils emmenèrent l’armée.

Homaï envoya des espions actifs, pour que rien ne lui restât caché, pour qu’elle apprît ce qui arriverait de bon et de mauvais à l’armée et pour qu’elle ne se tourmentât pas des malheurs possibles.

L’armée s’avança de station en station, la terre se couvrit de troupes et le ciel devint noir par la poussière.

Dernière mise à jour : 31 déc. 2021