Guschtasp

Les fils d'Isfendiar sont tués par Zeraweh et Faramourz

...

Lorsque le combat des héros eut duré longtemps, et que Rustem fils de Zal tardait à revenir, Zewareh amena son armée de l’autre rive du Hirmend, une armée au cœur blessé et avide de vengeance.

Il dit aux Iraniens:

Où est Rustem?

Pourquoi nous tenir tranquilles dans un jour pareil?

Vous êtes venus pour combattre le crocodile, vous êtes venus pour attaquer Rustem, vous voulez enchaîner sa main, il ne faut donc pas rester paisibles sur ce champ de bataille.

Ensuite il se mit à injurier les Iraniens et à proférer des outrages contre eux.

Un fils d’Isfendiar en fut indigné.

C’était un cavalier illustre, habile à lancer un cheval, un jeune prince du nom de Nousch-Ader, portant haut la tête, avide de combats et d’un heureux caractère; il se mit en colère contre l’homme du Séistan, et sa bouche vomit l’injure et l’outrage. Il dit:

Ô héros plein d’arrogance! il n’y a qu’un homme vil qui désobéit au roi.

Le vaillant Isfendiar ne nous a pas permis de livrer bataille à des chiens qui se soustraient à ses avis et à ses ordres, qui osent se révolter contre sa suzeraineté.

Mais si vous nous attaquez contre tout droit, si vous êtes assez insensés pour prêter main-forte à ce qui est mauvais, vous verrez comment les hommes de guerre combattent avec l’épée et la lance et la lourde massue.

Zewareh ordonna aux siens de marcher en avant, d’attaquer et de frapper les chefs des Iraniens;

Lui-même s’avança pour soutenir ses hommes, qui sortirent des rangs dix par dix et tuèrent des Iraniens sans nombre.

Nousch-Ader vit ce carnage, se prépara au combat, monta sur un destrier isabelle qui levait fièrement la tête, et arriva, une épée indienne en main.

Or il y eut un héros illustre, du nom d’Alwa, un homme fier, bon cavalier, d’un naturel joyeux, qui portait dans les batailles la lance de Rustem et se tenait toujours derrière lui.

Nousch-Ader le vit de loin et se hâta de tirer son épée: il frappa sur la tête et fendit ce guerrier illustre depuis le haut du casque jusqu’au milieu du corps.

Zewareh lança son cheval de guerre et s’écria dans sa colère:

Tu as tué cet homme, maintenant défends ta propre vie, car je n’appelle pas cavalier un homme comme Alwa.

Zewareh frappa avec sa lance la poitrine du prince, qui tomba sur-le-champ dans la poussière, et la fortune de l’armée périt avec l’illustre Nousch-Ader.

Il avait un frère du nom de Mihri-Nousch, un jeune homme, prêt à frapper de l’épée, qui se mit à pleurer;

Son cœur bouillonnait, son âme était blessée;

Il lança son cheval au corps d’éléphant, et s’avança du centre de l’armée vers les lignes ennemies, en écumant de rage.

De l’autre côté, Faramourz, semblable à un éléphant ivre, sortit des rangs, une épée indienne en main, et attaqua l’illustre Mihri-Nousch;

Les deux armées poussèrent des cris;

Les deux nobles jeunes gens, impatients de combattre, l’un fils de roi, l’autre fils du Pehlewan, s’élancèrent comme des lions furieux et se frappèrent avec les épées.

Mihri-Nousch s’était jeté avec ardeur dans la lutte, mais il ne pouvait résister à Faramourz, qui donna un coup d’épée pour le frapper et pour faire rouler sur la terre sa noble tête;

L’épée tomba sur le cou de son propre cheval, et abattit la tête de l’animal aux pieds de vent;

Mais Faramourz, quoique à pied, tua son ennemi, et le sang de Mihri-Nousch rougit le champ de bataille.

Lorsque Bahman vit son frère mort; qu’il vit la terre sous lui colorée comme la rose, il courut auprès d’Isfendiar, au milieu du feu de son combat avec Rustem, et lui dit:

Ô lion furieux! une armée du Séistan nous a attaqués: tes deux fils, Nousch-Ader et Mihri-Nousch, ont péri misérablement sous les coups des gens du Séistan.

Pendant que tu te bats ici, nous sommes accablés de douleur;

Ces jeunes princes Keïanides sont couchés dans la poussière, et le méfait d’hommes insensés a couvert notre famille d’une honte éternelle.

Le cœur vigilant d’Isfendiar se remplit de colère;

Dans son cerveau s’éleva un orage, dans son œil brillaient des flammes.

Il dit à Rustem:

Malheureux!

Est-ce ainsi que les grands observent les traités?

Tu avais dit que tu ne mènerais pas au combat ton armée;

Mais tu n’as pas soin de ton nom et de ton honneur!

N’es-tu pas honteux devant moi et devant le Créateur, ne crains-tu pas qu’il t’adresse des questions au jour du jugement?

Ne sais-tu pas que ceux qui violent un traité sont méprisés parmi les hommes?

Deux guerriers de ton pays ont tué deux de mes fils, et ils continuent encore leur œuvre de malveillance.

Rustem fut consterné de ces paroles, il tremblait comme la branche d’un arbre, et dit:

Je jure par la vie et la tête du roi, par le soleil et mon épée, et par le champ de bataille, que je n’ai pas ordonné ce combat, que je désavoue ceux qui l’ont livré.

Je vais lier les deux mains de mon frère, si c’est lui qui a été l’instigateur de ce méfait;

J’amènerai aussi Faramourz, les deux mains enchaînées, devant le roi adorateur de Dieu, et tu les tueras pour venger tes nobles enfants;

Mais ne perds pas la raison pour cette action insensée.

Isfendiar lui répondit:

Verser le sang du serpent pour venger la mort du paon ne serait ni utile ni agréable, et ne serait pas selon les règles des rois qui portent haut la tête.

Malheureux!

Cherche à te sauver toi-même, car ton dernier moment approche.

Je vais clouer avec mes flèches tes cuisses contre le corps de Raksch, et vous ne ferez qu’un, comme l’eau et le lait qu’on mêle, pour que jamais dorénavant un esclave n’ose plus lutter contre un seigneur.

Si tu survis, je te lierai les mains et te mènerai sans délai devant le roi, et si tu meurs sous mes traits, pense que c’est pour expier le sang de ces deux nobles enfants.

Rustem dit:

Ces querelles ne peuvent que diminuer notre gloire.

Tourne-toi vers Dieu, commence par l’invoquer, car il est le guide vers tout ce qui est bon.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021