Guschtasp

Isfendiar fait grâce aux Turcs

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Lorsque les Turcs virent qu’Ardjasp était parti et que de tous côtés ils étaient frappés par des épées brûlantes, tous leurs grands mirent pied à terre et s’approchèrent d’Isfendiar.

Ils se dépouillèrent de leurs cottes de mailles, ils jetèrent leurs arcs turcs et lui dirent dans leur détresse:

Ô roi, fais grâce de la vie à tes esclaves!

Nous accepterons ta religion, nous nous y instruirons, nous adorerons tous les feux sacrés.

Les Perses ne firent aucune attention à ces paroles, ils les frappèrent de leurs épées et en tuèrent tant que leur sang couvrit le monde d’un rouge brillant.

Mais Isfendiar écouta leurs cris, et leur fit grâce dans leur vie et dans leur personne.

Le héros au corps d’éléphant, le roi, fils de roi, fit proclamer parmi ses troupes victorieuses:

Ô illustres Iraniens!

Cessez de tuer les Chinois;

maintenant que cette armée ennemie est vaincue, arrêtez ces horreurs, ce carnage, car ils sont affligés, abaissés et sans ressources;

laissez donc la vie à ces chiens, abstenez-vous de faire de nouveaux prisonniers, ne liez plus personne, ne versez plus de sang, ne courez plus ainsi, ne foulez pas aux pieds ces morts, faites le tour du champ de bataille et comptez les blessés;

pour l’amour de l’âme de Zerir, ne les faites pas prisonniers;

ne restez pas plus longtemps sur vos chevaux de guerre.

Quand les troupes eurent entendu sa proclamation, elles se rendirent toutes auprès du vaillant héros, rentrèrent dans leur camp et battirent le tambour pour célébrer leur victoire.

Elles ne dormirent pas de joie pendant toute la nuit, car elles avaient remporté une victoire digne de Rustem.

Lorsque cette nuit sombre fut passée, le sang s’était écoulé dans la plaine et le désert;

l’illustre Keïanide, accompagné des grands de l’armée, alla voir le champ de bataille;

il erra parmi tous ces morts;

quand il en reconnut un, il le pleura, continuant son chemin jusqu’à ce qu’il trouvât son frère misérablement tué et gisant sur le champ de bataille comme une chose vile; quand il le vit dans ce triste état, il déchira ses vêtements royaux; il descendit de son cheval aux belles couleurs et saisit sa barbe de ses deux mains, s’écriant:

Ô roi des héros de Balkh, toute ma vie est devenue amère;

Hélas! ce chef, ce prince, ce roi, ce flambeau du monde, ce diadème de l’empire!

Il se baissa et le souleva de terre, il essuya le visage du mort de ses propres mains, et le plaça dans un cercueil d’or; tu aurais dit que Zerir n’avait jamais été né.

Ensuite il plaça les Keïanides et ses jeunes fils morts dans des cercueils, et ordonna de compter les morts et d’emporter ceux qui étaient blessés.

On parcourut tout l’espace où l’on s’était battu, sur les hauteurs, dans le désert, sur la plaine et sur les routes, et l’on trouva que trente mille Iraniens étaient tombés, dont sept cents chefs illustres; mille quarante chefs étaient blessés et avaient échappé au danger d’être foulés aux pieds des éléphants; du côté des Turcs il y avait cent mille morts, dont onze cent soixante trois notables, et trois mille deux cents blessés.

Ne reste pas dans un pareil endroit, si tu peux l’éviter.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021