Guschtasp

Bahman s'acquite de son message

...

Le jeune homme se trouva devant une montagne, sur laquelle il poussa son cheval de guerre; d’en haut il avait la vue sur le lieu de la chasse, et il aperçut le Pehlewan de l’armée, un homme semblable au mont Bisoutoun;

Il tenait dans une main un tronc d’arbre sur lequel était embroché un onagre;

Une massue et des harnais de cheval étaient placés à ses cotés;

Il tenait dans l’autre main une coupe de vin, et ses serviteurs étaient debout en face de lui;

Raksch courait dans la prairie, et tout autour on voyait des arbres, des pâturages et des eaux vives.

Bahman se dit:

Ceci est ou Rustem, ou le soleil levant.

Personne n’a jamais vu dans le monde un homme comme lui, ni n’a entendu parler de son pareil parmi nos ancêtres illustres.

Je crains qu’Isfendiar, le héros, ne puisse lui résister, et qu’il ne refuse de le combattre;

Mais avec une pierre je puis le tuer, et faire trembler le cœur de Zal et de Roudabeh

Il détacha alors une pierre d’un rocher, et la fit rouler du haut de la montagne.

Zewareh aperçut d’en bas le morceau de rocher, et entendit le bruit qu’il faisait;

Il s’écria:

Ô Pehlewan, ô cavalier! voici une pierre qui vient en bondissant du haut de la montagne!

Rustem sourit, il ne lâcha pas l’onagre, à la grande frayeur de Zewareh, et attendit que la pierre fût arrivée près de lui et que toute la montagne fût couverte de la poussière qu’elle soulevait;

Alors il la frappa du talon de sa botte et la rejeta au loin: Zewareh et Faramourz le couvrirent de leurs bénédictions.

Bahman fut consterné de cet exploit qui lui avait fait voir la force et le grand air de cet homme; il se dit:

Si le fortuné Isfendiar engage une lutte contre ce héros illustre, il recevra un affront, et il vaut mieux qu’il use de courtoisie envers lui; car si Rustem était vainqueur de mon père, il s’emparerait de tout l’Iran.

Il remonta sur son destrier aux pieds de vent, et descendit de la montagne tout soucieux; il raconta à ses Mobeds la merveille qu’il avait vue, et reprit lentement son chemin.

Quand il fut arrivé près du lieu de la chasse, Rustem l’aperçut sur la route et dit à son Mobed:

Quel est cet homme?

Il me semble que c’est quelqu’un de la famille de Guschtasp.

Il alla à sa rencontre avec Zewareh et tous ses compagnons de chasse, grands et petits.

Bahman mit pied à terre rapidement comme la fumée, aussitôt qu’il le vit, et lui adressa poliment les questions d’usage.

Rustem lui dit:

Tu n’auras pas de réponse de moi aussi longtemps que tu ne m’auras pas dit ton nom.

Il répondit:

Je suis le fils d’Isfendiar, le chef des hommes loyaux, l’illustre Bahman.

Le Pehlewan le serra aussitôt contre sa poitrine et lui demanda pardon de s’être fait. attendre.

Tous les deux se rendirent à l’endroit où Rustem avait campé, et les nobles serviteurs du prince les suivirent.

Bahman s’assit et rapporta longuement les souhaits dont le roi et les Iraniens l’avaient chargé pour Rustem; ensuite il dit:

Isfendiar a quitté le roi rapidement, comme le feu , il a dressé ses tentes sur le bord du Hirmend, selon les ordres du grand roi victorieux, et j’ai à transmettre au vaillant Pehlewan un message de mon père, s’il veut m’écouter.

Rustem répondit:

Le fils du prince s’est beaucoup fatigué et a fait une longue route;

Mangeons d’abord un peu de ce que nous avons ici, ensuite le monde est à tes ordres.

Il plaça du pain tendre sur le cuir qui lui servait de table, apporta un onagre rôti et chaud, et le posa sur la nappe devant Bahman, en parlant d’anciennes aventures.

Il fit asseoir son frère Zewareh à côté du prince; mais il n’appela aucun des grands qui étaient présents.

Ensuite il plaça devant lui-même un autre onagre, car il lui en fallait un chaque fois qu’il dînait, répandit du sel dessus, le dépeça et le mangea.

Bahman, qui portait haut la tête, le regarda, mangea aussi un peu de son onagre, mais moins de la centième partie de ce que mangeait Rustem.

Celui-ci sourit et lui dit:

C’est pour jouir que le roi a son trône; mais si c’est ainsi que tu manges, comment as-tu pu entrer dans cette fournaise des sept stations?

Comment peux tu frapper de la lance dans la bataille, si c’est là ton diner?

Bahman répondit:

Un fils de roi doit parler et vivre sobrement;

Mais si sa nourriture est exiguë, ses efforts doivent être grands dans le combat, et il doit toujours porter sa vie sur la paume de sa main.

Rustem se mit à rire et dit à voix haute:

On ne doit pas cacher devant les braves sa bravoure.

Il remplit de vin une coupe d’or et la but à la santé des hommes libres; ensuite il plaça une autre coupe dans la main de Bahman en disant:

Porte la santé de qui tu voudras.

Bahman redoutant cette coupe de vin, Zewareh la vida avant lui, disant:

Ô fils de roi, puissent le vin et les compagnons te plaire.

Bahman prit rapidement la coupe des mains de Zewareh; mais cet homme au cœur inquiet était un faible buveur.

Rustem, son appétit, sa stature, ses bras et ses épaules, tout le confondait.

A la fin les deux cavaliers montèrent à cheval, Bahman se tint à côté de l’illustre Pehlewan, et le héros au grand renom communiqua à Rustem les saluts et le message d’Isfendiar.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021