Guraz, appelé Ferayîn

Guraz s'empare du trône

...

Lorsque Ferayîn eut posé sur sa tête la couronne des Keïanides, il se mit à parler à l’aventure, disant :

Faire le métier de roi pendant un temps et s’asseoir gaiement sur le trône vaut mieux que d’employer soixante ans à se racheter de la servitude et de demeurer en proie aux souffrances et les bras pendants, comme un esclave.

Après moi, mon fils montera sur le trône et placera sur sa tête cette couronne royale.

Son fils aîné lui dit en secret :

Puisque tu portes maintenant la couronne du monde, ne sois pas trop confiant dans l’avenir et avise aux moyens d’amasser un trésor.

Tu es devenu le maître de la terre, fais tes affaires d’un seul coup, car si un rejeton des rois venait à se montrer, tu ne resterais pas longtemps ici.

Le fils cadet parla ensuite en ces termes :

Te voilà maître de la couronne, tu possèdes maintenant une armée et un trésor dignes des rois ; aussi longtemps que tu auras un trésor, tu ne seras pas dans l’embarras.

Feridoun, dont le père était Abtin, avait-il donc un roi parmi ses ancêtres ?

Et pourtant s’il a pu laisser le monde à ses trois fils fortunés, c’est qu’il mettait son bonheur à répandre la justice dans le monde.

Maintiens ta domination à l’aide de ta bravoure et de ton trésor.

Personne ne naît roi ; mais quand je serai maître de la puissance, de la couronne et du trône, le peuple sera heureux et jouira de la vie ; ma haute fortune brillera et mon trône s’élèvera jusqu’à Saturne.

Guraz goûta mieux ce discours et il recommanda à son fils aîné de ne pas faire d’imprudence.

Il ordonna ensuite à l’inspecteur des revues de siéger au bureau royal et réunit toute l’armée devant le palais.

Il distribua de l’argent jour et nuit et accorda beaucoup de présents d’honneur à ceux qui ne les méritaient pas : en deux semaines, il ne restait plus des trésors d’Ardeschir que la valeur d’une plume de flèche.

Quand il allait boire du vin dans le jardin, il y faisait porter des flambeaux d’ambre gris, quatre-vingts flambeaux devant lui, quatre-vingts à sa suite ; puis venaient ses amis et compagnons ; il ne se servait que de coupes d’or et d’argent et les coupes d’or étaient incrustées de pierres fines.

Il avait coutume de passer les nuits à boire, aussi le cœur des grands se remplit de haine contre lui.

Il errait perpétuellement pendant la nuit sombre à travers les jardins et les places publiques ; il ne restait personne dans l’Iran qui lui fût attaché et le monde devint profondément troublé.

Ferayîn oublia toute générosité ; il renonça à la libéralité et à la justice, il ferma les yeux pour de l’or, il vendit le monde pour de l’argent et versa le sang des innocents.

Aussi le peuple commença à se soulever contre lui : chacun parlait de lui injurieusement, chacun souhaitait sa mort ; on se rassemblait secrètement et l’on se racontait ce qu’il faisait.

Or, pendant une nuit sombre, Hormuzd Schehran Guraz, cavalier d’élite de la ville d’Istakhr, respecté par tous les grands du pays, parla longuement dans une réunion secrète et dit aux Iraniens :

Hommes puissants, le règne de Ferayîn est devenu accablant : il ne tient aucun compte des grands ; comment donc se fait-il que vos têtes et vos cœurs soient si faibles ?

Tous les yeux sont remplis de larmes à cause de cet homme ; ne se trouvera-t-il pas un cœur qui frémisse de colère ?

Ferayîn n’est pas un Sâsânide, il n’est pas de la race des Keïanides, pourquoi faut-il lui obéir ?

On dirait qu’il vous a arraché le cœur et que le courage a abandonné vos poitrines.

Le peuple répondit :

D’un côté, il ne reste plus d’héritier légitime du trône ; de l’autre, la haine qu’il inspire ne laisse aucun ami à cet homme de vile naissance.

Nous sommes de ton avis : dis-nous ce que tu as appris des hommes sincères sur les moyens de délivrer l’Iran de ce roi insensé, au cerveau enflammé, de ce roi incapable d’une bonne parole ou d’une action généreuse.

Puisse-t-il être à jamais privé de bénédictions !

Schehran Guraz reprit :

Cette situation de l’Iran dure depuis trop longtemps.

Si vous promettez de ne pas me nuire et d’agir comme il convient à des hommes libres, je vais aussitôt et avec l’aide du Dieu pur le précipiter de son trône dans la poussière.

Les Iraniens répondirent :

Puisses-tu être à l’abri du malheur !

Aujourd’hui tout le peuple est avec toi ; si cette entreprise met ta vie en danger, nous serons ton refuge.

Le héros, serviteur des Khosroës, ayant entendu ces paroles, chercha un moyen d’attaquer ce misérable roi.

Dernière mise à jour : 8 janv. 2022