Bahman

Bahman rend la liberté à Zal et s'en retourne dans l'Iran

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Le généreux Beschouten, qui était le Destour du roi, eut le cœur affligé de ce carnage.

Il se mit debout devant le maître du monde, disant :

Ô roi plein de justice et de droiture !

Si tu avais de la vengeance dans le cœur, tu l’as exercée ; tu l’as tant exercée qu’il n’y a plus rien à faire.

Maintenant n’ordonne plus ces pillages, ces meurtres, ces combats et ces agitations ; cesse d’approuver tout ce bruit !

Crains Dieu et aie honte devant nous ; réfléchis sur la rotation du sort, qui élève l’un au-dessus des plus hauts nuages et réduit l’autre à l’angoisse, à l’impuissance et à l’abjection.

Ton père, le maître du monde, la gloire des armées, n’est-il pas allé chercher un cercueil dans le Nimrouz ?

Et Rustem, n’est-il pas allé chasser dans le Kaboul pour mourir dans un fossé ?

Toi, ô roi de noble race !

Tant que tu vivras, garde-toi de faire du mal à un homme de bonne naissance.

Quand le fils de Sam fils de Neriman se plaindra de toi dans ses chaînes au tout-puissant Père nourricier des hommes, tu dois trembler, si bonne que soit ton étoile, car c’est devant le Créateur qu’il porte sa cause.

Gardien du trône des Keïanides, comme Rustem, il n’a pas reculé devant les fatigues et les combats ; c’est de lui que tu as reçu ton trône comme un héritage et non pas de Guschtasp ou d’Isfendiar.

Prends toute l’époque, depuis Keï-Kobad jusqu’au sage Keï Khosrou, c’est à son épée qu’ils ont dû leur puissance et tous l’ont tenu pour plus précieux que le monde entier.

Fais tomber ses chaînes, si tu es homme de sens et détourne ton cœur de la voie du mal.

Le roi, sur ces paroles de Beschouten, se repentit en pensant à ces anciennes histoires et l’on entendit de l’enceinte des tentes du roi une voix proclamant :

Ô Pehlewans pleins de justice et de sagesse, préparez-vous au départ et gardez-vous de piller et de tuer !

Le roi ordonna qu’on ôtât les chaînes des pieds de Zal et qu’on lui adressât beaucoup de conseils.

Par ordre du Destour, le vénérable conseiller, on prépara une voûte sépulcrale pour le corps de Faramourz et l’on ramena Zal de la prison dans son palais, où sa noble compagne Roudabeh pleurait sur lui amèrement, s’écriant :

Hélas !

Vaillant, héroïque Rustem, petit-fils de Neriman le brave, l’illustre, pendant que tu vivais, qui est-ce qui s’apercevait que Guschtasp était roi du monde ?

Maintenant tes trésors sont pillés, le Destan est captif et son fils lamentablement tué par les pointes des flèches.

Malheur aux yeux qui sont témoins d’un sort pareil !

Puisse la terre être délivrée de la race d’Isfendiar !

Ces plaintes furent rapportées à Bahman et parvinrent jusqu’au fortuné Beschouten.

Celui-ci devint plein d’inquiétude pour Roudabeh et ses joues pâlirent lorsqu’il entendit ces lamentations.

Il dit à Bahman :

Ô jeune roi !

Lorsque la lune nouvelle sera arrivée à la moitié du firmament, fais partir de cette ville ton armée à l’aube du jour ; car cette affaire devient difficile et dangereuse.

Puisse l’œil des méchants ne pas atteindre la couronne, puisse chacun de tes jours être une fête !

Il ne convient pas que le roi des rois reste longtemps dans cette maison de Zal fils du vaillant Sam.

Lorsque les montagnes furent couleur de sandaraque, le son des timbales se fit entendre du portail du palais et le roi conduisit son armée vers le pays d’Iran ; il la conduisit du Zaboulistan vers le pays des braves.

Ensuite, il se reposa et s’assit sur son trône joyeusement, gouvernant le monde selon les règles et la justice.

Il distribua aux pauvres un trésor d’argent ; il rendit heureux les uns et mécontents les autres.

Dernière mise à jour : 28 déc. 2021