Kesra Nouschirwan

Lettre du Khakan de la Chine à Nouschirwan

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Il choisit dans son armée dix hommes éloquents. qui savaient parler et comprendre ce qu’on leur disait ; un Chinois savant écrivit une lettre magnifique selon la coutume chinoise et les dix cavaliers pleins d’intel- . ligence partirent avec la lettre pour la cour du roi. leurs bouches pleines de paroles.

Ils se firent annoncer à Kesra, qui prépara une ; salle d’audience digne du roi des rois et ordonna de lever le rideau de la porte et de les faire entrer honorablement.

Les dix Chinois se présentèrent avec leur lettre et des présents et une offrande d’or.

Le roi les reçut bien lorsqu’il les vit, demanda des nouvelles du Khakan et les lit asseoir.

Ils touchèrent la terre devant lui avec leurs fronts et lui donnèrent le message du Khakan contenu dans une lettre en chinois, écrite sur du satin.

Un des envoyés la plaça devant le scribe du roi et le jeune Yezdeguerd la lut, à l’étonnement de l’assemblée.

La lettre commençait par implorer les bénédictions du Distributeur de la justice sur le roi de l’ha’n, ensuite elle exposait au roi la grandeur, les trésors, le nombre des troupes et des armes et la puissance du Khakan, puis elle parlait de l’hommage que le Faght’our de la Chine rendait au Khakan, auquel il avait donné sa fille, sans qu’il l’eût demandée et à qui l’armée du Faghfour obéissait ; enfin elle racontait l’histoire des présents qu’il avait envoyés au roi et que les HeÏtaliens avaient interceptés.

C’est pour me venger’que j’ai quitté le pays de Djadj et ravi à Ghatfer ses trésors et son trône et que, en sortant de Gulzarrioun, j’ai coloré en rubis avec du sang l’eau du Djihoun.

J’ai béni ceux qui ont répandu dans le Madjin et la Chine les nouvelles des victoires du roi, de sa bravoure, de son intelligence, de sa modestie et de son savoir et j’ai désiré dans mon âme de devenir l’ami du roi du monde. »

Lorsque Kesra eut entendu cette lettre et ces paroles et compris la puissance, la bravoure et les intentions du Khakan, on assigna une demeure aux envoyés, on les complimenta et les traita bien et chaque fois que l’échanson eut préparé des tables et du vin, le roi les invita.

Ils restèrent auprès de lui pendant un mais, assistant aux audiences, aux fêtes et aux chasses.

Un jour le roi tint une grande cour dans la plaine ; l’air devint sombre par la poussière que soulevaient les cavaliers ; tous les commandants des frontières avec leurs ceintures d’or, les Beloutchis et a3.

Les Ghilauis avec leurs boucliers d’or, y parurent ; ils présentèrent leurs hommages au roi et lui olfrirent trois cents destriers aux rênes d’or et des épées aux fourreaux d’or.

Les épées, les javelots et les dards brillaient ; on aurait dit que le fer était pétri avec de l’or ; on avait placé sur le dos d’un éléphant bue housse de brocart et un trône de turquoises, couleur d’indigo.

La terre était pleine de bruit ; l’air rempli d’agitation et les oreilles les plus fines étaient assourdies ; les cavaliers du désert, armés de lances, les envoyés de Berda, de l’Inde, du Roum et de tous les pays cultivés se présentèrent devant le roi, qui voulait montrer aux Chinois à qui appartenait la royauté, à qui était le monde depuis le soleil jus-. qu’au dos du poisson qui porte la terre.

On prépara un champ de bataille dans la plaine, les vaillants cavaliers s’y élancèrent, l’air fut rempli d’agitation et de la poussière soulevée par les cavaliers ; la terre était couverte d’armures ; les hommes pleins de fierté firent un tournoi pendant quelque temps avec la massue et l’épée, avec l’arc et les [lèches ; toute la plaine était couverte d’hommes armés de javetots et de lances, d’un côté les fantassins, de l’autre les cavaliers.

Les envoyés de tous les pays, de tous les princes et de tous les rois furent confondus de cette armée et de cet appareil de guerre et de l’aspect, de la gloire et de la voix du roi.

On rapporta en secret au roi du monde ce que 2ôl’ les envoyés disaient et il ordonna à son trésorier d’apporter sur la plaine ses armes de bataille ; il apporta la cuirasse, le casque et la cotte de mailles et le roi fit défaire les boutons (qui joignaient le casque à la cuirasse).

Un homme fort et aux larges épaules n’aurait pas pu soulever la cuirasse en essayant de toutes ses forces ; il n’y avait que la poitrine et les membres du roi qui pussent supporter le poids du casque, de la cotte de mailles et de la massue.

Personne dans l’armée ne tirait de l’arc comme lui, aucun des grands ne se battait comme lui.

Il s’avança sur le champ de bataille, semblable à un éléphant en rut, une massue à tête de bœuf sur l’épaule et monté sur un destrier ardent, dont la taille étonnait l’assemblée.

Il s’éleva un grand bruit, les trompettes sonnèrent, les clochettes tintèrent sur le dos des éléphants, les musiciens précédèrent le roi avec des cymbales et la terre tremblait sous les sabots des chevaux.

Le roi des rois, le casque sur la tête et le cheval couvert de son armure, se mit à chevaucher à droite et à gauche en maniant les rênes ; ses serviteurs appelèrent des bénédictions sur lui et posèrenttous leurs fronts sur la terre.

Le roi du monde s’en retourne de la plaine au palais, accompagné de tous les grands.

Les envoyés se dirent entre eux tout bas :

Ce roi, qui porte si haut la tête, est très-habile ; il sait gouverner les rênes et montrer aux braves la pointe de sa lance.

Il faut nous souvenir des talents qu’il a déployés devant nous et nous et nos compagnons, quand nous serons de retour auprès de nos princes, devons déclarer que ni vieux ni jeunes n’ont vu un roi comme Nouschirwan. »

Dernière mise à jour : 19 déc. 2021