Keï Khosrou

Les deux armées forment une ligne de bataille

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Guiv arriva auprès de son père et lui rapporta 5 de point en point la réponse qu’il avait reçue, en disant :

Conduis ton armée dans un endroit où nous puissions livrer bataille ; car Piran ne veut pas de paix et la justice ne réside pas dans son cœur.

Nous lui avons dit tout ce qui peut se dire, nous lui avons répété toutes tes paroles ; mais aussitôt la perfidie des Turcs s’est montrée.

Piran a dépêché vers Afrasiab un messager monté sur un dromadaire et lui a fait dire que Gouderz et Guiv arrivaient pour le combattre et qu’il fallait sans délai renforcer son armée.

Afrasiab a envoyé cette armée et elle a passé le Djihoun pendant que nous revenions.

Maintenant place sur les éléphants les timbales de combat, car la bataille est imminente. »

Gouderz répondit à Guiv :

Piran est las de la vie et il a perdu l’esprit.

Je m’attendais à cela de la part de ce méchant et pourtant il n’y avait pas moyen d’éviter cette entrevue après les ordres du roi ; maintenant Khosrou a mis à l’épreuve le cœur de cet homme.

J’ai parlé au roi lorsqu’il m’a 0rdonné de mettre l’armée en marche ; je lui ai dit d’arracher de son âme toute tendresse pour un homme dont le langage et les pensées ne s’accordaient pas ; que tout l’amour de Piran était pour les Turcs et qu’il ne restait au roi qu’à le renoncer. »

Le vaillant Piran suivit Guiv en toute hâte ; il précipitait la marche de son armée, semblable à un lion.

Lorsque Gouderz apprit que les Touraniens

S’approchaient, il fit battre les timbales, sortit de Beibed, traversa la montagne, déboucha dans la large plaine et y établit ses troupes.

Lorsque Piran quitta Kenabed avec son armée, la lumière du jour s’obscurcit ; il emmena dans la plaine une masse d’hommes semblable à une montagne et les divisions de son armée y descendirent l’une après l’autre.

Cent mille cavaliers turcs, armés de cuirasses et ceints pour le combat, arrivèrent tous prêts à commencer la bataille, tous portant en main une lance et une épée indienne.

Des deux côtés on voyait des armées semblables à des montagnes et dont chaque homme était couvert d’un casque de fer ; les trompettes sonnèrent,vet l’on eût dit que la mon- , tagne s’ébranlait ; depuis Beibed jusqu’à Kenabed la terre disparaissait sous les hommes armés et la montagne et la plaine en étaient grises et noires ; les lances brillaient comme des étoiles et les épées comme des soleils ; la terre semblait être de fer et les massues formaient comme un brouillard ; la terre rendait l’écho des voix des héros ; les pointes des lances convertissaient le ciel en acier.

Gouderz observa l’armée du Touran, sous laquelle la terre s’inclinait comme le : vagues de la mer.

Les drapeaux et les corps d’armée se suivirent sans interruption jusqu’à ce que les ténèbres descendissent de la montagne.

Quand la nuit fut devenue sombre, on plaça les éléphants sur le front des armées pour fermer la 3A7 route, on alluma des feux des deux côtés ; et tels étaient les cris des héros avides de combat qu’on aurait dit que la terre était remplie d’Ahrimans et que depuis le pan jusqu’à la manche il n’y avait que des ennemis ; le bruit des tambours, dans la nuit couleur de poix, fendait le cœur des rochers.

L’aube du jour descendit de la montagne sombre ; le Sipehdar des Iraniens monta, devant le front de l’armée, sur un cheval frais et assigna aux héros leurs postes.

À la droite de l’armée était la montagne, que la lutte des braves ne pouvait ébranler ; à sa gauche coulait une rivière ; au premier rang caracolaient des cavaliers pourvus de boucliers.

Derrière ces hommes armés de lances venaient les fantassins munis de carquois et de flèches propres à traverser les cuirasses ; ils tenaient l’arc suspendu au bras et leur cœur était gonflé de sang.

Après eux venaient les cavaliers pesamment équipés pour le combat, dont les épées avaient dérobé au feu son éclat ; derrière les troupes était placée la foule des éléphants, sous les pieds desquels pliait la terre.

Au milieu de l’armée se trouvait le drapeau fortuné qui resplendissait de pierreries comme une lune.

En voyant les épées bleues flamboyer sous l’ombre du drapeau de Kaweh, on aurait dit que le ciel semait des astres dans la nuit sombre.

Gouderz para son armée comme un paradis et planta pour son roi dans le jardin de la loyauté le cyprès de la vengeance.

: 8 Il envoya les bagages avec une garde sur les derrières de l’armée ; ensuite il confia l’aile droite à Feribourz ; et Gourazeh le chef de la famille de Guiweh et Zewareh le gardien du trône des Keïanides, s’empressèrent à seconder Feribourz et disposèrent leurs troupes à côté des siennes.

Ensuite Gouderz dit à Rehham :

Ô toi qui es ’âme de la couronne, du trône et de l’intelligence, rends-toi avec tes cavaliers à l’aile gauche, tu y brilleras comme le soleil du N0uroüz dans le signe du Bélier ; tu illumineras l’armée par ta splendeur, tu la prendras sous ton aile ; et semblable à un lion féroce, tu cornbattras les héros avec cette épée brillante qui dévore les braves. »

Les amis de Rehham partirent avec lui ; Gustehem le premier, ensuite Guejdehem qui ne reculait jamais devant le combat, puis F ourouhil qui lançait ses traits pardessus le firmament.

Gouderz ordonna à Guiv de prendre dix mille cavaliers montés sur des chevaux bardés dejer et lui assigna l’arrière-garde, poste digne des héros les plus avides de combat.

Deux braves, Gourguin et Zengueh fils de Schaweran, partirent avec Guiv.

Ensuite Gouderz envoya trois rmille hommes avec un étendard pour garder l’armée du côté de la rivière et il plaça de même du côté de la montagne un étendard avec trois cents cavaliers choisis parmi la masse des braves.

Une sentinelle postée sur la cime de la montagne et dominant de là toute l’armée, tendait le cou nuit et jour et perçait des yeux l’espace du haut de sa tour.

Elle épiait la marche de l’armée du Touran ; elle aurait distingué les pieds d’une fourmi se mouvant sur cette route ; aussitôt qu’elle aurait poussé un cri du haut de sa tour, Gouderz eût été sur pied.

Enfin il disposa le champ de bataille de manière à donner au soleil et à la lune l’envie de combattre.

Quand lerchef d’une armée est digne du commandement, ses troupes n’ont pas peur du plus vaillant crocodile.

Ensuite Gouderz se rendit à son propre poste pour surveiller les entreprises de l’ennemi contre son armée ; il planta devant lui le drapeau qui réjouissait les cœurs et assigna leur poste à ceux qui devaient combattre au centre.

Il rassembla les héros, plaça Schidusch derrière lui et Ferhad devant ; Hedjir le guerrier expérimenté à sa gauche et Ketmareh le vainqueur des lions à sa droite ; ils l’environnaient comme d’une enceinte de fer et derrière eux se tenaient les éléphants de guerre.

Le Sipehdar Gouderz, placé ainsi au milieu des héros, avait devant lui le drapeau de Kaweh, qui éclipsait la lune et le soleil.

Piran considérait de loin cette armée, cet appareil de guerre, ces troupes rangées dont les cœurs ne connaissaient pas la rouille des soucis, ces ravins, cette plaine, cette montagne et ce désert hérissés de lances et couverts de brides entrelacées ; ensuite il jeta un regard sur sa propre armée et le champ de bataille ne lui convint pas.

Le chef des Turcs se mit en fureur et maudit le soleil éclipsé de sa fortune ; il ne voyait ni de l’espace pour se battre ni de la place pour former ses lignes et dans sa rage il frappa ses mains l’une contre l’autre.

Il s’occupa donc à régler tout, comme on doit faire quand il s’agit de livrer bataille à des braves.

Ensuite, il choisit parmi ses glorieuses troupes celles qui étaient les plus prêtes à frapper et parmi celles d’Afrasiab, tout ce qui montrait le plus d’ardeur ; il en composa un corps de trente mille hommes armés d’épées et propres au combat et confia à Houman le centre de l’armée et cette troupe avide de bataille.

Il appela Anderiman et Aukhast, les soutiens de la gauche et de la droite de son armée et il leur confia l’aile gauche composée de trente mille vaillants guerriers.

Lehhak le brave et Ferschidwerd formèrent l’aile droite avec trente mille autres hommes pleins de courage et la terre entière fut rendue noire par le fer qui la couvrait.

Il envoya Zengouleh le vaillant, Kelhad et Sipahram le héros réservé pour le jour du danger, avec dix mille hommes de grand renom, former l’arrière-garde des cavaliers armés d’épées.

Rouïn au corps d’airain sortit du camp avec dix mille héros du Khoten, pour se mettre avec eux en embuscade dans la forêt comme un lion, pour envoyer des vedettes sur le bord du fleuve et sur la montagne, effrayer le Sipehdar de l’Iran et le faire tremhier sur son sort, s’il dépassait le champ de bataille, car alors Rouïn devait l’attaquer par derrière comme un lion.

On plaça aussi des sentinelles sur les hau-teurs de la montagne, qui devaient regarder pendant le jour et veiller pendant la nuit ; et aussitôt qu’un cavalier iranien secouerait au loin les rênes de son cheval pour attaquer le chef des Touraniens, la sentinelle devait pousser un cri et mettre en émoi tout le camp.

Dernière mise à jour : 28 déc. 2021