Guschtasp

Guschtasp fait charger de chaînes Isfendiar

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Lorsque le roi sut que son fils était arrivé et qu’il avait couvert sa tête du casque des Keïanides, il réunit les grands et les petits, et fit placer devant lui le Zendavesta entier.

Il fit asseoir sur des sièges tous les Mobeds, ensuite on appela ce prince qui frappait de l’épée.

Le héros parut, les mains levées; il s’approcha de son père et lui rendit hommage; il se mit debout devant le roi comme un esclave, la tête baissée, les mains placées sous les aisselles.

Le roi des rois dit aux Mobeds, aux grands et aux chefs de l’armée:

Supposez qu’un homme noble eût élevé un fils avec beaucoup de soin, l’eût confié à une nourrice au temps où il avait besoin de lait, lui eût mis sur la tête une couronne royale, l’eût gardé jusqu’à ce qu’il fût devenu fort, lui eût enseigné à boire du vin et à monter à cheval, que cet homme illustre se fût donné beaucoup de peine pour lui, et en eût fait un cavalier expert dans les combats, que le fils fût arrivé à l’âge d’homme, brillant comme l’or qui sort de la mine, que les ambitieux l’eussent recherché, que les poètes l’eussent célébré, qu’il fût devenu un bon cavalier, victorieux dans les batailles, le héros de tous les combats et de tous les festins, qu’il eût mis sous ses pieds le monde entier, qu’il se fût rendu digne du diadème impérial, que le père n’eût gardé que le trône et la couronne, se contentant de rester dans le palais comme gardien des biens de la famille, que le fils eût été le maître du monde, des drapeaux et de l’armée, le père réduit à une couronne d’or et à un trône, et que le fils, pour ce trône et ce diadème, eût voulu trancher la tête à son père, eût conspiré avec son armée contre lui, eût eu le cœur enflammé du désir de le combattre, se trouverait-il un homme qui approuvât cela?

En est-il un seul parmi vous qui ait jamais entendu chose pareille? Que dites-vous, vieillards, de ce fils, et que doit faire le père?

Les grands répondirent:

C’est une chose que l’on ne pourrait concevoir. Un père en vie et le fils recherchant le trône, jamais il n’y eut rien de plus honteux.

Le roi leur dit:

Voici ce fils qui en veut à la vie de son père!

Mais je le frapperai avec un bâton, je le frapperai pour en faire un exemple; je le jetterai dans les fers, comme il l’a mérité, je l’enchaînerai comme personne n’a été enchainé.

Le fils lui dit :

Ô mon père à l’âme noble! pourquoi désirerais-je ta mort?

Je n’ai pas conscience d’une faute que j’aurais commise contre toi pendant toute ma vie; mais tu es le roi, tu es le maître, je t’appartiens, et les chaînes et la prison sont à toi.

Ordonne qu’on me lie, et, si tu veux, qu’on me tue: mon cœur est en repos et mon esprit est calme.

Le roi des rois ordonna d’apporter les chaînes, de les mettre à son fils et de l’emmener.

On appela des forgerons, qui vinrent avec des menottes, des colliers et de lourdes chaînes, et, en présence du roi maître du monde, enchaînèrent les mains et les pieds du héros, et les lièrent si fortement que quiconque le vit versa des larmes de pitié.

Quand on eut entouré le cou d’Isfendiar d’un cercle de fer, le roi ordonna de le conduire à une forteresse, disant :

Amenez un éléphant mâle qui coure comme un oiseau volant à tire d’aile.

On fit venir un éléphant vigoureux et l’on plaça Isfendiar sur son dos;

On l’emmena d’auprès de son père illustre, les yeux remplis-de larmes et le cœur blessé; on le conduisit, gardé et entouré de Sipehbeds, vers le château de Gunbedan, où on le plaça sur le haut de la montagne.

On y apporta quatre colonnes de fer auxquelles on l’attacha fortement: c’est ainsi qu’il fut précipité du trône et que sa fortune périt.

Le roi lui donna quelques gardiens, et le cœur du fils du Pehlewan fut rempli de douleurs et de soucis: c’est ainsi qu’il continua à vivre enchainé et versant de temps en temps des larmes amères.

Dernière mise à jour : 7 sept. 2021